Cet appel à l’action a été mis à jour par des femmes leaders d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine lors d’un atelier à Bogota, en Colombie, les 30 et 31 août 2022.
La promesse historique de 1,7 milliard de dollars (US) de financement pris à Glasgow, lors de la CdP26 de la CCNUCC, par les gouvernements et les bailleurs de fonds pour soutenir les droits collectifs et territoriaux des peuples autochtones (PA) et des communautés locales (CL) représente un pas dans la bonne direction. Cependant, s’il entend remédier au manque historique de financements versés directement aux PA et CL, il doit également aborder les droits des femmes et des filles afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales à accéder directement aux financements. Les financements climatiques ne doivent pas faire de laissées-pour-compte parmi les femmes et les filles afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales.
Lors de la CdP-26, les gouvernements du monde entier ont aussi engagé des fonds pour assurer l’égalité des genres. Le Canada s’est engagé à consacrer 80 pour cent de ses 4,3 milliards de dollars (US) d’investissement dans l’action climatique sur les cinq prochaines années aux accomplissements en matière d’égalité des genres ; le Royaume-Uni travaille actuellement à expliquer comment 223 millions de dollars (US) de financement permettront d’aborder le double défi des inégalités entre les genres et du changement climatique ; et les États-Unis investiront au moins 14 millions de dollars (US) du Gender Equity and Equality Action Fund (Fonds d’action pour l’équité et l’égalité des genres) dans la programmation d’activités de lutte contre le changement climatique tenant compte du genre. Il faut impérativement que ces financements climatiques parviennent entièrement aux femmes et aux filles afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales qui se situent en première ligne et jouent un rôle clé de protection et de restauration de nos territoires.
Lors de la 66e Commission de la condition de la femme des Nations Unies (CSW66), l’intégration des dimensions liées au genre dans les politiques et les programmes liés au changement climatique et à la réduction des risques environnementaux et de catastrophe a occupé le devant de la scène. Pour reprendre les conclusions concertées de la CSW66, plus précisément au titre des sections 23 et 24, les financements climatiques ne doivent pas rendre invisibles les rôles précieux que jouent les femmes et filles afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales, et en particulier leurs contributions à l’action climatique, la préservation des savoirs et des moyens de subsistance traditionnels, le renforcement de la justice de genre, et le soutien aux mouvements de défense des droits humains et des droits de tenure.
Ces financements doivent par ailleurs chercher à prévenir et à atténuer les impacts négatifs du changement climatique, et des initiatives et politiques en matière de climat qui sont néfastes pour ces communautés et ces femmes, ce afin de garantir des vies durables et dignes pour tous. Tandis qu’approche la CdP27 de la CCNUCC, qui se tiendra en Égypte en novembre 2022, il est crucial de prendre des mesures pour veiller à ce que les engagements pris lors de la CdP26, ainsi que ceux des gouvernements, soient mis en œuvre de manière transparente et reconnaissent les rôles que jouent les femmes et les filles dans l’atténuation des effets du changement climatique, l’adaptation à ce dernier et la protection des terres.
En 2016, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a constaté que presque 10 milliards de dollars (US) avaient été affectés à des organisations de la société civile (OSC) se consacrant à la lutte pour la justice de genre. Or, à peine 8 % de ces fonds sont parvenus aux OSC travaillant dans des pays en développement, et seulement une infime partie en serait parvenue directement à des organisations de défense des droits de la femme de la base populaire. De fait, les organisations de femmes autochtones n’ont reçu que 0.7 % de tous les financements enregistrés destinés à la défense des droits humains entre 2010 et 2013, alors qu’elles utilisent, gèrent et protègent des territoires communautaires qui représentent plus de 50 % des terres du monde. Et lorsque les ressources parviennent aux organisations de femmes autochtones, elles tendent encore à être insuffisantes et à court terme.
Les données gouvernementales actuelles, au niveau mondial et régional, sur l’accès des femmes aux financements sont insuffisantes et inadéquates. Elles sont pratiquement inexistantes pour les groupes, organisations, associations et collectifs de femmes afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales dans l’hémisphère Sud, ce qui reflète la négligence dont font preuve les gouvernements à l’égard des femmes et des filles afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales.
Les femmes afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales subissent un éventail large, multidimensionnel et complexe de violations de leurs droits humains qui sont systémiques et se renforcent mutuellement. Toutes ces violations ont pour effet de limiter leur autodétermination et le contrôle qu’elles exercent sur les ressources naturelles, le tout dans un contexte de structures de pouvoir patriarcales et de multiples formes de discrimination et de marginalisation fondées sur le genre, la classe, la race, l’origine ethnique, les coutumes et le statut socio-économique.
En attendant la CdP27, nous appelons les gouvernements, les bailleurs de fonds et les alliés à réfléchir à ce qu’ils peuvent faire autrement pour reconnaître et soutenir les rôles et contributions précieux des femmes afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales dans les efforts en vue de parvenir au développement durable et d’atteindre les objectifs relatifs au climat.
Pour parvenir à l’autonomisation des femmes à l’échelle mondiale, les gouvernements et les bailleurs de fonds doivent prendre des mesures en vue de l’égalité des genres et de la justice de genre, et pour verser, de toute urgence, des financements directs aux groupes, organisations, associations et collectifs de femmes afrodescendantes et issues de populations autochtones et de communautés locales dans l’hémisphère Sud, lesquels sont depuis toujours insuffisamment soutenus et financés.