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Appel à l’action: Le financement climatique intégrant la dimension du genre ne doit pas laisser de côté les femmes leaders des communautés autochtones, afro-descendantes et locales
L'INITIATIVE DES DROITS ET RESSOURCES

RRI appelle les bailleurs de fonds internationaux et les gouvernements à donner la priorité au financement des organisations de femmes qui ont été historiquement exclues des processus décisionnels ainsi que de la conception et de la mise en œuvre des programmes et des instruments financiers qui les concernent.

07 .03. 2022  
10 minutes read
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Cet appel à l’action a été mis à jour par des femmes leaders d’Asie, d’Afrique et d’Amérique latine lors d’un atelier à Bogota, en Colombie, les 30 et 31 août 2022.

La promesse historique de 1,7 milliard de dollars (US) de financement pris à Glasgow, lors de la CdP26 de la CCNUCC, par les gouvernements et les bailleurs de fonds pour soutenir les droits collectifs et territoriaux des peuples autochtones (PA) et des communautés locales (CL) représente un pas dans la bonne direction. Cependant, s’il entend remédier au manque historique de financements versés directement aux PA et CL, il doit également aborder les droits des femmes et des filles afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales à accéder directement aux financements. Les financements climatiques ne doivent pas faire de laissées-pour-compte parmi les femmes et les filles afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales.

Lors de la CdP-26, les gouvernements du monde entier ont aussi engagé des fonds pour assurer l’égalité des genres. Le Canada s’est engagé à consacrer 80 pour cent de ses 4,3 milliards de dollars (US) d’investissement dans l’action climatique sur les cinq prochaines années aux accomplissements en matière d’égalité des genres ; le Royaume-Uni travaille actuellement à expliquer comment 223 millions de dollars (US) de financement permettront d’aborder le double défi des inégalités entre les genres et du changement climatique ; et les États-Unis investiront au moins 14 millions de dollars (US) du Gender Equity and Equality Action Fund (Fonds d’action pour l’équité et l’égalité des genres) dans la programmation d’activités de lutte contre le changement climatique tenant compte du genre. Il faut impérativement que ces financements climatiques parviennent entièrement aux femmes et aux filles afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales qui se situent en première ligne et jouent un rôle clé de protection et de restauration de nos territoires.

Lors de la 66e Commission de la condition de la femme des Nations Unies (CSW66), l’intégration des dimensions liées au genre dans les politiques et les programmes liés au changement climatique et à la réduction des risques environnementaux et de catastrophe a occupé le devant de la scène. Pour reprendre les conclusions concertées de la CSW66, plus précisément au titre des sections 23 et 24, les financements climatiques ne doivent pas rendre invisibles les rôles précieux que jouent les femmes et filles afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales, et en particulier leurs contributions à l’action climatique, la préservation des savoirs et des moyens de subsistance traditionnels, le renforcement de la justice de genre, et le soutien aux mouvements de défense des droits humains et des droits de tenure.

Ces financements doivent par ailleurs chercher à prévenir et à atténuer les impacts négatifs du changement climatique, et des initiatives et politiques en matière de climat qui sont néfastes pour ces communautés et ces femmes, ce afin de garantir des vies durables et dignes pour tous. Tandis qu’approche la CdP27 de la CCNUCC, qui se tiendra en Égypte en novembre 2022, il est crucial de prendre des mesures pour veiller à ce que les engagements pris lors de la CdP26, ainsi que ceux des gouvernements, soient mis en œuvre de manière transparente et reconnaissent les rôles que jouent les femmes et les filles dans l’atténuation des effets du changement climatique, l’adaptation à ce dernier et la protection des terres.

En 2016, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a constaté que presque 10 milliards de dollars (US) avaient été affectés à des organisations de la société civile (OSC) se consacrant à la lutte pour la justice de genre. Or, à peine 8 % de ces fonds sont parvenus aux OSC travaillant dans des pays en développement, et seulement une infime partie en serait parvenue directement à des organisations de défense des droits de la femme de la base populaire. De fait, les organisations de femmes autochtones n’ont reçu que 0.7 % de tous les financements enregistrés destinés à la défense des droits humains entre 2010 et 2013, alors qu’elles utilisent, gèrent et protègent des territoires communautaires qui représentent plus de 50 % des terres du monde. Et lorsque les ressources parviennent aux organisations de femmes autochtones, elles tendent encore à être insuffisantes et à court terme.

Les données gouvernementales actuelles, au niveau mondial et régional, sur l’accès des femmes aux financements sont insuffisantes et inadéquates. Elles sont pratiquement inexistantes pour les groupes, organisations, associations et collectifs de femmes afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales dans l’hémisphère Sud, ce qui reflète la négligence dont font preuve les gouvernements à l’égard des femmes et des filles afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales.

Les femmes afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales subissent un éventail large, multidimensionnel et complexe de violations de leurs droits humains qui sont systémiques et se renforcent mutuellement. Toutes ces violations ont pour effet de limiter leur autodétermination et le contrôle qu’elles exercent sur les ressources naturelles, le tout dans un contexte de structures de pouvoir patriarcales et de multiples formes de discrimination et de marginalisation fondées sur le genre, la classe, la race, l’origine ethnique, les coutumes et le statut socio-économique.

En attendant la CdP27, nous appelons les gouvernements, les bailleurs de fonds et les alliés à réfléchir à ce qu’ils peuvent faire autrement pour reconnaître et soutenir les rôles et contributions précieux des femmes afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales dans les efforts en vue de parvenir au développement durable et d’atteindre les objectifs relatifs au climat.

Pour parvenir à l’autonomisation des femmes à l’échelle mondiale, les gouvernements et les bailleurs de fonds doivent prendre des mesures en vue de l’égalité des genres et de la justice de genre, et pour verser, de toute urgence, des financements directs aux groupes, organisations, associations et collectifs de femmes afrodescendantes et issues de populations autochtones et de communautés locales dans l’hémisphère Sud, lesquels sont depuis toujours insuffisamment soutenus et financés.

Plus précisément, nous appelons les gouvernements, les bailleurs de fonds et leurs intermédiaires et alliés à financer les initiatives suivantes dans le cadre de partenariats avec des groupes, organisations, associations et collectifs de femmes afrodescendantes et issues de populations autochtones et de communautés locales:

  • Affecter des fonds désignés aux efforts en vue de garantir les droits de tenure légaux des femmes sur les terres, les forêts et l’eau en améliorant et/ou en créant des réformes des politiques tenant compte du genre :
    • Soutenir les processus qui garantissent la reconnaissance et la protection légales des territoires communautaires.
    • Créer et maintenir des espaces propices à des dialogues cruciaux sur la réforme des politiques faisant intervenir les femmes et les filles afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales.
    • Obtenir des financements pour permettre aux femmes et aux filles de se préparer aux dialogues avec les gouvernements, les communautés de bailleurs de fonds et les alliés, ce afin de garantir leur participation à la conception et à la mise en œuvre des politiques.
    • Renforcer les organisations, groupes et mouvements de femmes en continuant à faciliter l’apprentissage entre pairs, à soutenir les connaissances et à renforcer leurs capacités pour qu’ils puissent développer leurs propres ordres du jour en matière de défense des droits.
    • Donner la priorité aux réformes législatives et de politiques qui tiennent compte du genre et sont conformes à la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et à la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (UNDRIP).
  • Proposer un appui financier soutenu pour assurer un leadership stratégique et la participation des femmes et des filles aux processus décisionnels, ce à tous les niveaux institutionnels :
    • Cartographier les leaders potentielles parmi les femmes et les filles afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales.
    • Apprécier et reconnaître la position des femmes et des filles afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales en tant que détentrices de droits et actrices du changement.
    • Créer des bourses d’études ou des mécanismes de parrainage durables pour renforcer leur leadership.
    • Aider les groupes, organisations et associations de femmes à élaborer leurs propres projets et initiatives (en fonction des besoins et des intérêts qu’elles auront elles-mêmes identifiés).
    • Renforcer les capacités afin que les femmes et les filles comprennent leurs droits et soient autonomisées pour pouvoir négocier au sein et en dehors de leurs communautés.
    • Financer la préservation, le renouveau, la documentation et la promotion des savoirs et pratiques traditionnels.
  • Fournir et garantir des financements adéquats pour les initiatives et les entreprises de subsistance déterminées par les femmes elles-mêmes, afin d’assurer leur indépendance et leur autonomisation :
    • Soutenir le développement organisationnel et institutionnel des femmes en garantissant leur libre-arbitre économique et politique.
    • Les gouvernements doivent soutenir et donner la priorité aux entreprises et initiatives économiques des femmes, ainsi qu’à leur développement commercial, et accorder des exemptions et des subventions aux petites entreprises dirigées par des femmes.
    • Proposer des financements directs aux femmes et aux filles afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales, afin qu’elles soient bien équipées pour atténuer les effets des crises climatiques, s’y préparer et s’y adapter, et pour leur permettre d’être résilientes et de travailler à la restauration de leurs territoires.
    • Fournir des financements directs aux femmes afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales afin de les indemniser pour les pertes et dommages causés par le changement climatique et les processus d’extraction nuisibles.
  • Fournir des financements adéquats pour établir et appliquer des mécanismes de sauvegarde afin de renforcer l’autonomie des femmes afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales, ainsi que leur droit au consentement libre, préalable et éclairé (CLPE), à l’autodétermination et aux procédures régulières, comme le prévoient les lois nationales et internationales.
  • Créer des mécanismes et des institutions à tous les niveaux pour lutter contre la violence et la discrimination
    sexistes et les prévenir :

    • Garantir des financements pour la protection des femmes afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales qui défendent les droits humains et territoriaux.
    • Garantir des financements pour soutenir l’opérationnalisation des mécanismes de protection de ces femmes contre la violence et la criminalisation.
    • Financer la documentation, la recherche et la cartographie participative sur la violence sexiste qui touche les femmes et les filles afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales qui défendent les droits humains et territoriaux.
    • Financer un soutien juridique pour que ces femmes puissent accéder à la justice, et renforcer leur connaissance des systèmes et processus juridiques à travers des formations parajuridiques.

Pour que les fonds parviennent directement aux organisations de femmes et à ces initiatives, nous émettons les recommandations suivantes :

  • Les bailleurs de fonds et les alliés devraient accorder la priorité à l’affectation spécifique de fonds ciblant les groupes, organisations et associations de femmes afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales, ainsi qu’à leurs entreprises de subsistance, initiatives économiques et programmes de défense des droits humains et fonciers.
  • Les bailleurs de fonds bilatéraux, philanthropiques et intermédiaires doivent supprimer les obstacles techniques, juridiques et administratifs pour garantir à ces groupes l’accès à des processus de financement souples, simplifiés (faciles à suivre) et efficaces.
  • Adapter les financements en utilisant des approches ascendantes et fondées sur le contexte en vue de financements climatiques tenant compte du genre, et créer des cadres de suivi pour l’adaptation au climat, la résilience et l’atténuation éclairés par les expériences des femmes en matière d’accès à ces fonds et de leur gestion.
  • Prendre part à un dialogue direct et créer des espaces de collaboration avec les femmes afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales, afin de veiller à ce que ces approches ascendantes et fondées sur le contexte reconnaissent leur leadership, leur savoir-faire et leur vision.
  • Proposer des financements directs pour soutenir les rôles des femmes en tant que défenseuses et leaders de première ligne en matière de droits environnementaux, fonciers et liés à l’eau, et garantir que ces financements, ainsi que les mécanismes de règlement des plaintes, assurent leur protection à long terme.
  • Proposer des financements directs pour assurer la diversité des groupes, associations et organisations de femmes et de filles afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales, indépendamment de leur taille et de leurs structures.
  • Les bailleurs de fonds doivent veiller à ce que les engagements gouvernementaux et les agences de mise en œuvre respectent les normes de reddition de comptes et de transparence afin de renforcer la représentation des femmes et la protection de leurs droits.
  • Les bailleurs de fonds doivent faire un effort conscient pour diffuser des informations sur les possibilités de financement aux femmes et aux filles afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales.
  • Assurer la représentation des femmes et des filles afrodescendantes et issues de peuples autochtones et de communautés locales dans les comités internes formés par les bailleurs de fonds pour l’affectation et le suivi des fonds engagés.

 

Lisez l’appel à l’action en français, anglais, espagnol, portugais ou bahasa Indonesia. Pour tout commentaire ou question, veuillez contacter Omaira Bolaños. Consultez la liste de toutes les organisations qui ont signé l’appel à l’action ici. Partagez avec vos réseaux en utilisant le kit d’outils pour les médias sociaux.

 

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