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Conservation guidée par les Autochtones : pourquoi est-elle essentielle pour atteindre les objectifs climatiques du Canada?
Nicole Harris, Associée principale des communications stratégiques, RRI

Si les récents efforts du gouvernement canadien concernant le financement des aires protégées et de conservation autochtones sont encourageants, beaucoup reste à faire.

20 .09. 2021  
5 minutes de lecture
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À l’ouest du lac Great Slave, le deuxième plus grand lac des Territoires du Nord-Ouest, au Canada, un plateau surplombe à 600 mètres d’altitude la vallée du fleuve Mackenzie. Ce plateau, connu sous le nom d’aire protégée et réserve nationale de faune Dehcho d’Edéhzhíe, présente une mosaïque unique de forêts boréales, de milieux humides et de lacs et abrite des dizaines d’espèces en péril (y compris, le caribou des bois, le bison des bois et la sauvagine).

L’aire protégée d’Edéhzhíe forme un bassin hydrographique naturel pour les rivières et les lacs au sein du territoire du Dehcho. Forte de sa superficie de 14 218 km2 (5 490 mi2), elle représente également la plus grande aire protégée du Canada abritant le caribou des bois. La protection de cette région a été impulsée et menée à bien par les Premières Nations du Dehcho, et a conduit à la création d’une aire protégée et de conservation autochtone (APCA), en collaboration avec le gouvernement canadien et grâce au soutien financier de ce dernier. Il s’agit d’un simple exemple parmi les 40 APCA actuellement envisagées à travers le Canada.

Lorsque l’aire protégée d’Edéhzhíe a été créée en 2018, le programme d’intendance et des gardiens du Dehcho K’éhodi, déjà en place, a commencé à en appuyer la gestion. Dans le cadre de ce programme, les membres des communautés locales sont amenés à exercer une surveillance sur le terrain, à coordonner les activités de recherche et à préparer les jeunes générations à devenir les futurs chefs de file de la conservation. Ils remplissent le rôle d’experts mêlant savoir traditionnel et science occidentale, dans le but de veiller à la santé écologique, de prendre soin des sites de patrimoine culturel et de protéger les espèces en péril au nom de leurs communautés et de la société dans son ensemble. Il existe actuellement 70 programmes de gardiens en activité à travers le Canada, et 25 programmes en cours de réalisation.

Le 12 août, le gouvernement canadien a annoncé qu’il investirait $340 millions CA ($269 millions US) au cours des cinq prochaines années, afin de soutenir l’action des APCA et le programme des gardiens autochtones. Ce financement s’inscrit dans l’engagement plus large de l’État visant à protéger 25 % des terres et des eaux du Canada d’ici 2025 puis 30 % à l’horizon 2030. Il s’agit du financement le plus important octroyé à ce jour au Canada pour la gestion et la conservation des terres autochtones. Ces fonds seront investis dans les APCA et les programmes de gardiens autochtones.

Au Canada, comme dans de nombreux autres pays à travers le monde, la création de parcs nationaux et provinciaux, d’aires protégées et de réserves de faune au nom de la conservation a souvent entraîné le déplacement forcé des peuples autochtones de leurs terres et territoires traditionnels. Toutefois, comme le démontrent les travaux de recherche actuels, la participation et les droits des peuples autochtones et des communautés locales sont indissociables de la conservation des ressources naturelles qui assurent leur subsistance depuis de nombreuses générations.

Aire protégée d’Edéhzhíe Dehcho (crédit photo : Gouvernement du Canada)

« Nous occupons ce territoire depuis plus de 700 générations et avons tiré de riches enseignements sur la durabilité et la gestion des ressources naturelles, » Frank Brown a récemment partagé avec le National Observer. Il est chef héréditaire de la Nation heiltsuk et professeur associé en gestion de l’environnement et des ressources naturelles à l’Université Simon Fraser.

« Alors que les peuples autochtones ont longtemps été exclus et marginalisés des décisions concernant l’environnement et le développement de leurs territoires, ils sont désormais des acteurs clés de la lutte contre le changement climatique et la perte de la biodiversité. »

Des projets comme celui de l’aire protégée Dehcho d’Edéhzhíe ouvrent une nouvelle voie pour l’avenir de la conservation, car ils mettent l’accent sur les savoirs, les valeurs et les moyens d’existence des Premières Nations, des Inuits et des Métis du Canada

L’annonce du gouvernement canadien est intervenue seulement quelques jours après la publication d’un rapport alarmant du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Celui-ci esquisse les pires scénarios à envisager dans le cas où les émissions de carbone ne seraient pas jugulées au cours de la décennie à venir. Il alerte contre les impacts désormais inévitables du changement climatique, mais identifie également les opportunités qui existent pour réduire les risques que fait peser celui-ci.

Un nombre croissant de recherches montre que les communautés autochtones obtiennent des résultats similaires, voire supérieurs à ceux des États ou des organisations privées en matière de conservation des aires protégées, et ce, à moindre coût. Les communautés ne bénéficient que très rarement du soutien financier octroyé aux initiatives de conservation publiques ou privées.

Dans les Territoires du Nord-Ouest, les programmes de gardiens autochtones génèrent environ 2,50 $ CAD d’avantages sociaux, culturels et environnementaux pour chaque dollar investi dans le programme. Dans le cas du programme de gardiens des Premières Nations côtières (PNC), sur la côte Ouest de la Colombie-Britannique, le retour sur investissement est de 10 pour 1. Les peuples autochtones sont les meilleurs gardiens des terres et des forêts dont ils ont la gestion, et leur leadership est essentiel pour empêcher l’effondrement de la diversité biologique à l’échelle mondiale.

« Les gardiens œuvrent pour leurs nations, mais leur travail, qu’il s’agisse de lutter contre les feux de forêt, de restaurer les populations de caribous et de saumons ou de surveiller la durabilité des processus de développement, profite à l’ensemble du pays, » a déclaré Valérie Courtois, directrice de l’Initiative de leadership autochtone et membre de la communauté innue de Mashteuiatsh.

« La conservation guidée par les peuples autochtones génère un retour sur investissement pour le bien de tous. »

Si les récents efforts du gouvernement canadien concernant le financement des APCA et des programmes de gardiens autochtones sont encourageants, beaucoup reste à faire. L’Initiative de leadership autochtone et ses partenaires continueront d’œuvrer pour obtenir un financement continu et pérenne des initiatives de conservation guidées par les peuples autochtones du Canada.

« Notre vision repose sur l’idée que chaque nation autochtone du Canada qui le désire puisse obtenir un programme de gardiens autochtones et soit soutenue dans cette démarche, » a ajouté Courtois.

Pour obtenir des informations additionnelles, veuillez prendre contact avec Sean Durkan.

Pour en savoir plus sur l’Initiative de leadership autochtone, visitez leur site web.

 

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