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À qui appartiennent les terres du monde ? Renforcement des droits fonciers communautaires pour les populations et la planète
Chloe Ginsburg et David Kroeker-Maus
10 .01. 2024  
5 minutes de lecture
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La publication récente de la deuxième édition du rapport intitulé À qui appartiennent les terres du monde ? offre une occasion importante pour faire le point sur l’État, au niveau mondial, de la reconnaissance des droits fonciers des communautés autochtones, afro-descendantes et locales. Les données du rapport couvrent 73 pays, qui représentent 85 % de la superficie mondiale, et donnent une vision panoramique du paysage mondial des droits fonciers des communautés, à un moment crucial pour les populations et pour la planète.

Voici cinq des principaux points à retenir du rapport:

1. Plus de 100 millions d’hectares de terres communautaires supplémentaires ont été légalement reconnus, mais …

Entre 2015 et 2020, les gouvernements nationaux de 39 pays, à travers tous les continents habités, ont reconnu les droits fonciers des peuples autochtones, des peuples afro-descendants et des communautés locales sur plus de 100 millions ha de terres qui ne l’étaient pas auparavant. Il s’agit là d’un progrès qui mérite d’être célébré, et chaque hectare reconnu est le produit d’un plaidoyer inlassable des militants communautaires et de leurs alliés.

Toutefois, ces augmentations ne représentent qu’1 % de la superficie totale des terres dans les 73 pays couverts par l’étude. L’enseignement à en tirer est qu’il est possible de faire des progrès dans des zones géographiques et des contextes politiques divers, mais que ces avancées doivent être considérablement accélérées pour que les avantages de la sécurité foncière communautaire se concrétisent à grande échelle.

2. Il est possible de protéger ¼ de milliard d’hectares de terres communautaires sans qu’il soit nécessaire d’adopter de nouvelles lois

Vous avez bien lu, plus d’un quart de milliard d’hectares, soit une superficie plus de deux fois supérieure à celle du Pérou ! RRI a identifié 19 pays où les droits fonciers des communautés pourraient être reconnus au travers des cadres juridiques nationaux déjà existants. Dans certains cas, les communautés ont même déjà formellement soumis leurs revendications en suivant les procédures établies sur place.

Dans plusieurs pays, comme le Cambodge et le Népal, les gouvernements se sont déjà fixés des objectifs pour la reconnaissance de nouvelles zones de foresterie communautaire dans le cadre de plans nationaux, mais ces objectifs n’ont pas encore été atteints. La reconnaissance de ces revendications protégerait plus du double de la zone mondiale nouvellement reconnue entre 2015 et 2020.

3. Le vent pourrait tourner en faveur de la reconnaissance des communautés en tant que propriétaires de leurs terres

La base de données de RRI recense à la fois les terres sur lesquelles les communautés ont des droits de propriété complets et celles qui sont « désignées pour » les communautés, c’est-à-dire où elles détiennent des droits plus limités et ne sont pas reconnues comme propriétaires de ces terres. La grande majorité des terres nouvellement reconnues aux communautés au cours de la période de cinq ans (89 sur 103 Mha) ont été reconnues comme appartenant aux communautés, à perpétuité. Cela est similaire aux tendances observées dans la base de données de RRI sur la tenure forestière qui recense les données sur la propriété forestière mondiale depuis 2002.

La dernière mise à jour de ces données a révélé un changement proportionnel vers la reconnaissance des droits de propriété des communautés sur les forêts, et cette tendance semble se poursuivre au niveau mondial. Avec des droits de propriété plus forts, les communautés auront une plus grande sécurité foncière et pourront mieux entrevoir le futur avec confiance.

4. Plusieurs pays africains montrent la voie

Presque toutes les régions couvertes par l’étude ont connu au moins quelques progrès dans la reconnaissance des terres communautaires, mais les plus grands gains ont été notés en Afrique. La superficie totale détenue par les peuples autochtones et les communautés locales en Afrique a augmenté de 12 %, soit un gain de 35 millions ha sur cinq ans. La majeure partie de cette augmentation a été enregistrée au Libéria et au Kenya, deux pays qui ont adopté une législation progressiste reconnaissant les droits fonciers des communautés avant même la délivrance de titres ou de certificats officiels. Ces cas montrent que, même si des obstacles subsistent sur les plans technique et administratif, les droits fonciers des communautés peuvent encore être reconnus à grande échelle.

5. Le paysage du financement de la sécurisation des droits fonciers communautaires a radicalement changé

Depuis la publication de la première édition du rapport A qui appartiennent les terres du monde ? en 2015, il y a eu une prolifération de nouveaux mécanismes de financement pour soutenir les droits fonciers communautaires et la sécurité foncière. Entre autres développements majeurs, on peut noter :

  • La création du Fonds international pour les terres et les forêts, initié par RRI, qui a octroyé des subventions de plus de 20 millions de dollars aux organisations communautaires autochtones et locales et aux ONG alliées depuis 2017 ;
  • Le lancement de l’Initiative de financement des droits fonciers communautaires et de la conservation (CLARIFI) qui a pour objectif de contribuer à la levée de 10 milliards de dollars supplémentaires dans l’ensemble du secteur à l’horizon 2030 ;
  • La Déclaration de Glasgow à la CdP26 en 2021, dans laquelle les principaux donateurs publics et privés se sont engagés à mettre à disposition 1,7 milliard de dollars pour soutenir le régime foncier communautaire ; et
  • L’Alliance des femmes du Sud pour la tenure et le climat (WiGSA) a été lancée lors du CdP27 qui s’est tenu à Sharm-el-Sheikh en 2022 pour plaider en faveur d’un accès direct et équitable aux financements pour les femmes et les filles issues des communautés autochtones, afro-descendantes et locales.

Dans l’ensemble, ces développements montrent que l’infrastructure financière existe désormais pour investir dans l’amélioration rapide de la sécurité foncière des communautés.

Le rôle essentiel que jouent les peuples autochtones, les peuples afro-descendants et les communautés locales dans la réalisation des objectifs mondiaux en matière de climat, de biodiversité et de développement est de plus en plus reconnu au plus haut niveau. Les conclusions de la deuxième édition du rapport À qui appartiennent les terres du monde ? nous rappellent, s’il en était encore besoin, que les droits de ces communautés sur les terres qu’elles gèrent depuis des générations doivent être garantis et renforcés. Notre avenir en dépend.


Pour tout commentaire ou question : Contactez Chloe Ginsburg, analyste principale de la titularisation à RRI.

Photo de couverture : Tamblingan, Bali, Indonésie, sur le territoire coutumier de la communauté indigène Adat Dalem Tamblingan. Crédit photo : Nicole Harris pour RRI. Septembre 2023.

 

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