Dans le magnifique paysage de la réserve forestière du mont Elgon, du territoire communautaire de Chepkitale et du parc national du mont Elgon, qui chevauche les forestières du Kenya et de l’Ouganda, les gouvernements successifs ont eu pour habitude de délimiter les frontières des États, des comtés et des communautés de façon à exclure ou rendre invisibles les communautés autochtones Ogiek qui protègent les forêts de cette région depuis des milliers d’années.
Œuvrant en collaboration avec le Chepkitale Indigenous Peoples’ Development Project (CIPDP) (projet de développement des peuples autochtones chepkitale), une organisation locale, RRI a récemment organisé une visite visant à mettre en lumière le rôle transformateur de la conservation communautaire dans la protection des forêts riches en biodiversité du mont Elgon.
Cette visite avait pour objectif de présenter l’histoire remarquable des Ogiek lors du tout premier Congrès de l’UICN sur les aires protégées en Afrique (APAC) qui se tiendra à Kigali, au Rwanda, du 18 au 23 juillet 2022.
Ainsi, du 13 au 18 juin, j’ai accompagné mes collègues Patrick Kipalu et Kendi Borona, ainsi que deux journalistes indépendants, à Chepkitale, une communauté de chasseurs-cueilleurs isolée, située à l’intérieur des limites des « zones protégées de mont Elgon, afin d’observer la façon dont les Ogiek protègent un habitat qui abrite 400 espèces végétales et au moins 144 espèces d’oiseaux.
Voici un aperçu de ce que nous avons appris.
Le savoir autochtone protège la biodiversité
Entassés dans un véhicule tout-terrain roulant vers l’Ouest sur l’une des seules routes pavées qu’il nous serait donné de voir au cours des prochains jours, nous nous sommes brièvement arrêtés au sommet d’une colline.
Cette colline, et le paysage magnifique qu’elle surplombe, appartenait autrefois aux Ogiek du mont Elgon, avant qu’elle ne leur soit volée au début du 20e siècle pendant la période coloniale. Aujourd’hui, le Service forestier du Kenya (KFS) est en train de remplacer les ressources naturelles de la région par des plantations d’arbres exotiques.
Les plantations forestières, telles que celle qui a été photographiée ci-dessus, sont fréquentes dans la région montagneuse inférieure de la réserve forestière du mont Elgon ; elles font partie du système shamba que le gouvernement kenyan, et par la suite le KFS, ont mis en œuvre sous une forme ou une autre depuis la période coloniale. Ce système controversé, également connu sous le nom de Plantation Establishment for Livelihood Improvement Scheme (PELIS) (programme d’établissement de plantations pour l’amélioration des moyens de subsistance), consiste à abattre les forêts naturelles et à les remplacer par des plantations d’espèces d’arbres exotiques importées à croissance rapide. Ces plantations sont par la suite vendues à des entreprises forestières commerciales qui abattent les arbres.
Ce n’est un secret pour personne : ces plantations forestières constituent une menace pour la faune comme pour l’environnement, dans la mesure où elles sont incapables de remplir les fonctions écologiques primordiales d’un écosystème forestier naturel et intact.
Alors que nous poursuivions notre ascension de la montagne et pénétrions dans le territoire coutumier des Ogiek, le paysage a changé soudainement : la forêt est devenue plus dense, les arbres étaient plus variés, les plantations ont complètement disparu et les bovins et les chèvres sont devenus plus nombreux. Nous avons très vite compris qu’il ne s’agissait pas là d’une coïncidence : nous étions témoins des efforts de conservation menés par les communautés.