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Garantir les droits fonciers communautaires en Afrique : avancées et obstacles
Patrick Kipalu et Alain Christian Essimi Biloa

Du 12 au 14 octobre 2021 se tiendra à Lomé, au Togo, et en ligne, la 3e Conférence régionale des institutions foncières nationales sur la sécurisation des droits fonciers communautaires en Afrique.

01 .10. 2021  
6 minutes read
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Du 12 au 14 octobre, le Réseau africain d’institutions foncières pour les droits communautaires (ALIN) tiendra sa 3e conférence régionale, dans le but d’intensifier la mise en œuvre des droits fonciers communautaires sur le continent.

Nous sommes d’avis que la reconnaissance et la garantie des droits fonciers des communautés locales et des peuples autochtones est l’un des principaux facteurs de paix sociale et de développement économique durable. En mai 2019, nous avons convié 95 responsables, dont des hauts fonctionnaires de 13 nations africaines et des représentants de la société civile et des organisations internationales, à Antananarivo, Madagascar, pour un échange d’expériences et de bonnes pratiques en matière de garantie des droits fonciers coutumiers des communautés.

Pour répondre au besoin communément exprimé d’une plateforme où continuer de partager leurs retours d’expérience et autres connaissances, nous avons contribué à établir le Réseau africain d’institutions foncières pour les droits communautaires (African Land Institutions Network for Community Rights –ALIN). Ce réseau, qui constitue une véritable communauté de praticiens permettant à ses membres de renforcer leurs capacités, d’approfondir le dialogue et de promouvoir la diffusion d’information, est aussi un mécanisme de responsabilisation par lequel mesurer les progrès accomplis.

Afin d’évaluer les progrès réalisés depuis la réunion d’Antananarivo, la 3e Conférence de l’ALIN se tiendra à Lomé, au Togo, sous un format hybride, présentiel et en ligne, du 12 au 14 octobre 2021. Initié par l’Initiative des droits et ressources (RRI) et co-organisé avec la Coalition internationale pour l’accès à la terre (ILC), cet événement se déroulera sous l’égide du Ministère togolais de l’urbanism, de l’habitat et de la réforme foncière (MUHRF) en collaboration avec une OSC locale appelée Autopromotion rurale pour un développement humain durable (ADHD), qui travaille sur les questions relatives aux droits fonciers et à la justice de genre au Togo.

Panorama actuel des droits fonciers communautaires en Afrique

Femme malgache récoltant de l’ylang-ylang à Nosy Be, Madagascar.

Garantir les droits fonciers communautaires n’est pas seulement un facteur de promotion de la paix ; cela constitue le socle d’un développement équitable et durable. Avec leurs droits fonciers garantis, les communautés tirent profit des efforts de conservation et des projets industriels tout en ayant l’assurance de leurs moyens de subsistance culturels et traditionnels préservés.

En 2015, toutefois, seulement 13 % de la superficie des terres étudiés dans 19 pays d’Afrique subsaharienne étaient assignés à des peuples autochtones ou communautés locales. Pire encore, seulement 3 % étaient légalement reconnus comme appartenant à ces groupes dans le cadre de régimes fonciers communautaires.

Cela étant, plusieurs États africains, dont le Burkina Faso, le Cameroun, la République démocratique du Congo, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Kenya, le Liberia, Madagascar et le Togo, ont récemment adopté –ou sont en passe d’adopter– de nouvelles législations foncières reconnaissant les droits fonciers communautaires. À mesure que d’autres gouvernements nationaux, suivis par le secteur du développement, se rendent à l’évidente nécessité de garantir les droits fonciers, la coopération régionale est de plus en plus nécessaire pour motiver l’action politique, diffuser les meilleures pratiques et identifier les opportunités.

Cependant, si des lois ont été adoptées dans le cadre de réformes foncières progressistes, c’est, comme souvent, leur mise en œuvre qui demeure problématique.

À Lomé, il faudra impérativement saisir l’élan de volonté politique généré par la COP26 prévue en novembre, et tirer le plus grand profit des avancées législatives foncières et forestières qui se sont récemment produites partout en Afrique. Des ministres, des hauts fonctionnaires, des donateurs et des représentants des institutions foncières nationales de 15 pays africains seront réunis pour évaluer les progrès accomplis depuis la réunion d’Antananarivo en 2019, discuter des stratégies qui faciliteront l’expansion des droits fonciers communautaires, et réfléchir ensemble aux rôles et fonctions des institutions foncières nationales –ainsi qu’aux obstacles et opportunités qui se présentent– dans la mise en œuvre de ces réformes d’ici à 2030.

Le nouveau Code foncier du Togo : un exemple de bonne pratique

Parmi les nombreuses pièces de législation et initiatives ayant fait surface aux quatre coins du continent, le Code foncier togolais fait figure d’exemple à suivre.

Adopté à l’unanimité le 5 juin 2018, ce nouveau Code jette les bases d’un cadre plus progressiste pour la gestion publique des terres au Togo. Il vise à résoudre des conflits fonciers qui traînent devant les tribunaux depuis des décennies, à enrayer la spéculation foncière et les expropriations, à combler une lacune légale qui permettait à plusieurs acteurs d’enregistrer les mêmes terres sous plusieurs régimes, et à empêcher la vente de terres rurales en garantissant aux communautés leurs droits fonciers coutumiers.  Le Code prévoit également les mesures et mécanismes nécessaires pour assurer l’égalité d’accès aux terres au bénéfice des groupes traditionnellement marginalisés tels que les populations rurales en situation de pauvreté, les jeunes et les femmes autochtones et des communautés locales.

Vu les efforts du gouvernement togolais pour mettre en œuvre ce Code, et l’urgence d’élaborer un projet de loi de réforme agro-foncière permettant de sécuriser les droits fonciers communautaires des populations rurales, Lomé est la ville idéale pour accueillir la 3e Conférence de l’ALIN.

Un forum d’échange

Avec ces positives avancées, il convient toutefois de reconnaître la difficulté logistique que représente l’accueil d’une conférence présentielle en ces temps de pandémie. En raison des mesures sanitaires et sécuritaires actuellement en vigueur au Togo et des limites imposées aux rassemblements sociaux, la 3e Conférence de l’ALIN aura une jauge présentielle limitée à 40 participants, mais l’accessibilité sera assurée par des systèmes de vidéo-conférence mis à disposition de ceux qui ne pourront pas se déplacer.

En dépit de ces difficultés et limitations, nous espérons accomplir les missions suivantes :

  • Les participants partageront 1) un état des lieux actualisé des législations foncières en vigueur dans leurs pays respectifs ; 2) un état d’avancement de la mise en œuvre des plans d’actions élaborés à Antananarivo en 2019 ; et 3) les leçons apprises ;
  • Les participants créeront ensemble des stratégies permettant de renforcer les garanties légales des droits fonciers et les bonnes pratiques d’ici à 2030 ;
  • Une discussion relative aux fonctions, responsabilités, perspectives et techniques de gestion des questions foncières aura lieu entre les différentes instances foncières nationales ; et
  • Identifier les opportunités, obstacles et programmations régionales et nationales, dans l’optique de les saisir pour y inclure les droits fonciers des peuples autochtones et communautés locales, et en particulier ceux des jeunes et des femmes au sein de ces groupes de population.

La 3e Conférence de l’ALIN est une opportunité stratégique que nous devons saisir en amont de la COP26 pour consolider la volonté politique, mobiliser des ressources de façon stratégique et affermir l’expertise technique qui permettra une mise en œuvre renforcée et élargie des droits fonciers communautaires sur le terrain.

À défaut de cela, il est à craindre que les communautés demeurent vulnérables aux expulsions hors des terres dont elles assurent la conservation depuis des générations.

 

Patrick Kipalu est directeur du programme Afrique de RRI. Alain Christian Essimi Biloa est spécialiste de la gouvernance foncière à l’International Land Coalition.

Pour toute question concernant la conférence régionale ALIN, veuillez contacter Shannon Johnson.

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