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Selon un nouveau rapport, 30 ans après la Déclaration de Beijing, la faiblesse des droits forestiers des femmes issues de communautés demeure alarmante
Initiative des droits et ressources

Des décennies après l’adoption de ce qui reste la feuille de route la plus complète sur les droits des femmes, le dernier rapport de RRI met en évidence les défis persistants à relever pour garantir les droits des femmes autochtones, afrodescendantes et issues de communautés locales.

11 .03. 2025  
8 minutes de lecture
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New York (le 11 mars 2025) — Alors que la communauté mondiale se réunit pour la 69e session de la Commission de la condition de la femme, l’Initiative des droits et ressources (RRI) publie ce jour un nouveau rapport qui révèle que, depuis 2016, les droits des femmes issues de communautés locales sur les forêts ont connu des avancées extrêmement limitées, et dans de nombreux cas inexistants, dans 35 pays couvrant 80 % des forêts d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. Le rapport, intitulé Resilience and Resistance, met en garde que, si les pouvoirs publics, les décideurs, les bailleurs de fonds et les alliés ne prennent pas des mesures urgentes, cette disparité menacera non seulement les moyens de subsistance des femmes et de leurs communautés, mais compromettra également la lutte plus large contre le changement climatique, la protection de la biodiversité et le développement durable dans le monde entier.

Les femmes autochtones, afrodescendantes et issues de communautés locales jouent un rôle essentiel dans l’accélération de la réalisation d’un large éventail de programmes mondiaux, la garantie de la sécurité alimentaire dans leurs communautés et la prévention de la déforestation dans les territoires qu’elles utilisent et gèrent, qui représentent environ la moitié des terres de la planète. Pourtant, bien qu’elles représentent la moitié des 2,5 milliards des peuples autochtones et des peuples ruraux qui dépendent de terres et de forêts détenues collectivement, et malgré près d’une décennie de progrès en matière de droit international et de réformes législatives nationales, le rapport révèle qu’en 2024, seulement 5 % des cadres juridiques régissant la tenure communautaire des forêts protégeaient de manière adéquate les droits d’accès des femmes aux fonctions décisionnelles au sein des communautés.

En écho aux dernières données collectées dans le cadre de la méthodologie de genre de RRI, les résultats montrent que seulement 13 % des cadres juridiques reconnaissent les droits de succession des femmes au niveau communautaire, et 2 % leurs droits de vote. Ces deux droits sont pourtant essentiels pour que les femmes autochtones, afrodescendantes et issues de communautés locales puissent sécuriser et gérer les terres forestières dont elles dépendent depuis des générations.

Alors que tous les pays examinés ont ratifié la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), aucun d’entre eux n’est sur le point, ni même proche, de respecter ses obligations légales en matière de protection des droits communautaires des femmes à l’appartenance, à la gouvernance, à la succession et à la résolution de conflits. Il reste moins de cinq ans pour réaliser les objectifs du Programme de développement durable à l’horizon 2030, mais les progrès limités observés entre 2016 et 2024 indiquent qu’il est peu probable que les gouvernements atteignent les objectifs d’égalité de genre d’ici 2030 sans une action rapide et de nature à transformer les rapports femmes-hommes pour garantir la conformité avec les normes internationales en matière de droits humains.

« Les progrès accomplis à l’échelon régional et mondial vers la réalisation de l’objectif 5 des ODD sur l’égalité des sexes, les obligations des états en vertu de la CEDAW et les objectifs stratégiques de la Déclaration de Beijing restent alarmants et insuffisants, » a déclaré Solange Bandiaky-Badji, coordinatrice de RRI.

« Alors qu’il ne reste que cinq ans pour atteindre les objectifs de l’Agenda 2030, notre rapport s’appuie sur les données existantes sur les terres et le genre pour renforcer le fait que le monde a encore beaucoup à faire pour atteindre ces objectifs. Si l’on veut que les ODD sur les droits des femmes soient réalisés, la reconnaissance des droits à la terre et aux ressources des femmes autochtones, afrodescendantes et issues de communautés locales doit être prioritaire, financée, accélérée et alignée sur les lois internationales en matière de droits humains. »

 

« L’absence de progrès sensibles vers la garantie des droits fonciers des femmes issues de communautés rurales constitue une violation directe de leurs droits humains, de leur autonomie individuelle, de leur liberté personnelle, de leur sécurité, de leur vie privée et de leur intégrité, » a déclaré Omaira Bolaños, directrice du programme Justice de genre de RRI.

« Le droit de vote et le droit d’accéder aux fonctions décisionnelles, qui sont les droits les plus importants pour les femmes issues des communautés rurales pour façonner leur relation et celle de leurs communautés avec les ressources forestières, continuent à recevoir la protection la moins importante en vertu de la législation nationale. Cela limite leur capacité à remettre en question les normes discriminatoires fondées sur le sexe et à participer de manière significative aux décisions clés qui les concernent. »

 

Malgré ces revers, des signes de progrès apparaissent grâce à la résilience et au plaidoyer inlassable des femmes issues des communautés, qui se battent depuis des générations pour obtenir une place à la table des négociations dans leurs communautés, et dans les sphères politiques et stratégiques. Depuis que RRI a publié, en 2017, la première édition du rapport phare, Pouvoir et potentiel, l’importance d’une réforme foncière tenant compte de la problématique femmes-hommes a recueilli une plus grande acceptation au niveau mondial. Ainsi, dans les 104 cadres juridiques étudiés, de légères améliorations ont été notées : 20 % de ces cadres reconnaissent les droits de résolution des conflits des femmes issues de communautés, et 29 % reconnaissent leurs droits d’appartenance.

« Nous apprenons à soutenir les femmes au niveau local afin qu’elles puissent prendre des décisions concernant leur gouvernance et leur propre accès aux fonctions décisionnelles, leurs lois et leurs politiques, au niveau local et régional, pour alimenter les politiques au niveau mondial, » a déclaré Loretta Alethea Pope, directrice exécutive de la Fondation pour les initiatives communautaires (FCI) au Liberia et membre de l’Alliance des femmes du Sud (WiGSA).

Femmes pygmées autochtones collectant de l’eau, RDC. Photo par EnviroNews RDC pour l’Initiative des droits et ressources, 2024.

Résultats par région

Depuis 2016, les pays d’Afrique sont ceux qui ont adopté le plus grand nombre de réformes juridiques, mais les 13 pays examinés affichent le plus faible degré de progrès pour ce qui est des droits de tenure forestière des femmes autochtones et issues de communautés locales au niveau régional. L’Afrique est la seule région où aucun cadre juridique ne protège de manière adéquate le droit de vote des femmes issues de communautés locales.

Au Mali, en République du Congo et à Madagascar, trois réformes apportées aux cadres juridiques ont diminué le niveau de protection antérieur des droits des femmes issues de communautés, tandis qu’une réforme supplémentaire au Mali, qui ne tient pas compte de la problématique femmes-hommes, n’a pas apporté de précision sur le droit de vote des femmes dans les organes de gouvernance communautaires. Seule une réforme au Kenya a permis de progresser sur les droits d’accès aux fonctions décisionnelles des femmes.

En Asie, les 11 pays analysés affichent, proportionnellement, les avancées les plus significatives en matière de droits légaux des femmes autochtones et issues de communautés locales sur les forêts communautaires. Toutefois, l’Asie est la seule région où un pays (l’Indonésie) n’assure toujours pas une protection constitutionnelle égale pour les femmes. Bien que des réformes contenant des dispositions favorables aient été adoptées en Thaïlande, au Népal, en Indonésie et en République démocratique populaire lao, certains pays asiatiques ont également approuvé des dispositions négligeant les droits des femmes (Indonésie, Myanmar et Philippines) ou ne protégeant pas les droits des femmes lors de leur application, notamment en supprimant l’obligation d’inclure les femmes dans l’enregistrement foncier (République démocratique populaire lao). D’autres pays, comme le Viet Nam et le Cambodge, ont diminué les droits forestiers des femmes issues de communautés en adoptant des réformes juridiques régressives.

Par rapport à d’autres régions, l’Amérique latine est celle qui protège le moins bien les droits des femmes autochtones, afrodescendantes et issues de communautés locales. Les progrès ont été nettement moindres pour les femmes issues de communautés, et deux pays (Mexique et Pérou) ont mené des réformes positives en matière de droit de vote des femmes. La stagnation dans la reconnaissance des droits des femmes issues de communautés ne reflète pas la réalité de leurs luttes, de leurs contributions et de leurs sacrifices dans cette région. Toutefois, entre 2016 et 2024, l’Amérique latine a également été la seule région à ne pas faire marche arrière dans la reconnaissance des droits forestiers des femmes issues de communautés.

« Les femmes issues de communautés jouent un rôle essentiel dans la gestion des forêts et des ressources naturelles dans le monde entier. Nous ne pouvons pas rester à l’écart des lois et des politiques qui nous concernent, » a déclaré Ketty Marcelo Lopez, dirigeante péruvienne de la communauté autochtone Asháninka de Pucharini, présidente de l’Organisation nationale des femmes autochtones andines et amazoniennes du Pérou (ONAMIAP) et membre de l’Alliance des femmes du Sud (WiGSA).

« Les réformes susceptibles de transformer les rapports femmes-hommes et reconnaissant les différents droits des femmes autochtones, afrodescendantes et issues de communautés locales doivent être une priorité sur le papier et dans la pratique si nous voulons espérer réaliser les objectifs de l’Agenda 2030 dans les cinq prochaines années. »

 


Pour les demandes d’interview ou les questions des médias, veuillez contacter Madiha Waris / WhatsApp : +1 202 374 0834

Photo de couverture : Une femme observe les éléphants au loin au Kenya. Photo par Anthony Ochieng.

 

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