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À Madagascar : le gouvernement intègre les communautés traditionnelles dans le processus national de réforme foncière
Par Jean-Ousmane Camara, avec la contribution de Michelle Sonkoue et Daiana González

Pour la première fois, les communautés traditionnelles de Madagascar, les FOKONOLONA, sont prises en compte dans la construction de la réforme foncière du pays. Découvrez comment cette percée a été rendue possible.

28 .03. 2024  
7 minutes de lecture
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Madagascar, quatrième plus grande île du monde, abrite une biodiversité inestimable. Et pourtant, ce paradis naturel est confronté à des défis complexes en matière de gestion des ressources forestières. Selon une récente étude du RRI, Dans 71,7 % des terres communautaires de Madagascar, représentant 41,72 millions d’hectares, les droits des communautés ne sont pas légalement reconnus.  

Malheureusement, Madagascar ne dispose toujours pas d’une législation appropriée pour sécuriser ces terres, ce qui expose les peuples autochtones et les communautés locales à une pression constante de la part du secteur privé qui cherche à s’approprier leurs territoires. Face à ces défis, RRI et l’Agence allemande pour la coopération internationale (GIZ) ont lancé un nouveau projet intitulé « Renforcer les droits fonciers communautaires par la création de coalitions, la réforme foncière et la recherche pour améliorer la gestion forestière et renforcer les moyens de subsistance des communautés à Madagascar » avec l’Initiative Solidarité des Intervenants sur le Foncier (SIF). Le projet représente un espoir tangible d’un avenir plus durable pour la grande île.  

FOKONOLONA: Les gardiens de la terre malagache et les droits communautaires

Une initiative novatrice  

Le SIF et le RRI ont exercé une influence transformative remarquable en établissant un contact direct avec les FOKONOLONA, aussi connues sous le nom de communautés locales, qui sont depuis des temps immémoriaux les gardiennes dévouées des terres malgaches et jouent un rôle consultatif traditionnel au sein de la communauté. 

La collaboration entre le SIF et le RRI est une réponse aux défis complexes de la gestion des terres et de la préservation de la biodiversité à Madagascar. Depuis 2019, le SIF a été impliqué dans l’élaboration de la loi foncière communautaire du pays. Leurs actions comprennent des consultations régionales, des ateliers de renforcement des capacités pour les organisations de la société civile (OSC), un plaidoyer pour la sécurisation des droits fonciers et une promotion active de l’inclusion des femmes et des jeunes dans la loi. 

Cette approche incarne un engagement collectif en faveur d’une réforme agraire globale et équitable à Madagascar, démontrant une volonté de créer des bases juridiques solides et de favoriser une participation inclusive pour le bien-être des communautés locales.  

Photo par L'Initiative Solidarité des Intervenants sur le Foncier (SIF)

Photo par L'Initiative Solidarité des Intervenants sur le Foncier (SIF)

Assurer la participation active et équitable des communautés traditionnelles du pays 

Le renforcement des capacités est le pilier essentiel de ce projet et marque un tournant significatif dans l’autonomisation du FOKONOLONA. Depuis 2022, le SIF et d’autres OSC locales organisent des formations et des ateliers pour le FOKONOLONA afin d’aider à sensibiliser collectivement à la nouvelle loi en cours d’élaboration et d’encourager la communauté à se considérer comme un acteur central dans la sauvegarde de leurs terres ancestrales.   

SOAVINALAHATRA Nasolo Harijery, chargée des affaires techniques au SIF, souligne l’impact de ces ateliers sur les questions foncières : « Diverses OSC ont pu bénéficier des formations que nous avons dispensées, et il est juste de dire qu’elles ont acquis des connaissances dans ce domaine. De plus, nous avons pu établir une vision commune. 

Les FOKONOLONA ont maintenant les compétences et la confiance nécessaires pour jouer un rôle actif dans l’élaboration des lois foncières, ancrant ainsi le processus dans la vie quotidienne de leurs communautés. Et les impacts sont tangibles. Ils sont désormais reconnus par l’État comme titulaires de droits, et la voix de la communauté est prise en compte dans les réformes agraires en cours. Cette transformation sociale s’accompagne d’une prise de conscience accrue du rôle fondamental que jouent les FOKONOLONA dans la préservation de la biodiversité, un engagement qui a débuté il y a plus d’un siècle. 

Le SIF, en collaboration avec RRI et l’administration foncière malgache, est pleinement engagé dans la mise en place de droits fonciers solides en soutenant la création d’un cadre juridique solide pour les droits fonciers communautaires. Malgré la reconnaissance formelle des droits d’utilisation des terres par les communautés dans la loi, des actions concrètes restent essentielles pour assurer une sécurité et une protection efficaces contre l’empiètement et les acteurs du secteur privé. 

« La prochaine étape de la collaboration entre RRI et le SIF consistera en des actions encore plus concrètes sur le terrain, notamment dans le processus de défense des terres gérées par les communautés », souligne SOAVINALAHATRA Nasolo Harijery du SIF. 

Photo par l'Initiative Solidarité des Intervenants sur le Foncier (SIF)

Mise en place d’une structure de consultation pour une participation effective et inclusive  

Le SIF a également mis en place une plateforme au sein de la société civile malgache où les FOKONOLONA sont non seulement informés mais aussi activement impliqués dans la prise de décision concernant leurs terres ancestrales. 
De même, l’ONG SAHA a initié une ambitieuse démarche visant à revitaliser la Structure Locale de Concertation des Collectivités Territoriales Décentralisées (SLC-CTD), dans le but d’établir une gouvernance foncière plus inclusive et de promouvoir les intérêts des communautés locales. 

En favorisant activement l’intégration des OSC au sein de ces structures décentralisées, les acteurs locaux peuvent participer pleinement aux processus décisionnels concernant la gestion des terres et des ressources naturelles.  

Cette approche a favorisé une collaboration fructueuse entre les communautés locales, les autorités et les OSC du pays, ce qui a eu des effets positifs tangibles au niveau communautaire. En encourageant la mise en place d’une gouvernance foncière locale plus transparente, responsable et adaptée aux réalités locales, le projet crée un équilibre harmonieux entre la préservation de la biodiversité et les besoins socio-économiques des communautés, contribuant ainsi à façonner un avenir durable et équitable pour Madagascar.  

« Les communautés locales sont particulièrement vulnérables à l’accaparement des terres par les communautés. Les OSC, en tant que représentants de ces citoyens et défenseurs de leurs droits, ont un rôle essentiel à jouer en s’impliquant activement dans le SLC-CTD pour réduire significativement cette vulnérabilité », déclare Léonard RAKOTOMALALA, Directeur exécutif de l’ONG SAHA. 

Ce constat est complété par les propos de Madame RAKOTOBE LYDSON Mamin’Ny Aina, Directrice des Domaines et de la Propriété Foncière au sein du ministère de la Décentralisation et de l’Aménagement du Territoire :

« En effet, la sécurisation foncière n’est pas une fin en soi, mais il faut veiller à ce que les communautés locales puissent exercer leurs droits, quel que soit leur poids, qu’il s’agisse de droits de propriété ou de droits de jouissance. Nous n’en sommes pas encore là, mais ils doivent pouvoir exercer leurs droits de manière décente, légitime et sûre, et surtout mener leurs activités de subsistance décemment. 

Photo par L'Initiative Solidarité des Intervenants sur le Foncier (SIF)

Intégration active des femmes et des filles  

Dans la région de BOENY, au nord-ouest de Madagascar, des efforts importants ont également été déployés pour renforcer la représentation et la participation des femmes et des filles à l’élaboration des textes juridiques relatifs aux droits fonciers communautaires. Malgré leur rôle essentiel dans la gestion des terres et des ressources naturelles de la région, les femmes sont souvent exclues des processus de prise de décision, les processus de résolution des conflits et des structures de gouvernance foncière, ce qui a des conséquences négatives sur leurs droits fonciers, leur autonomie économique et leur bien-être général.  

Pour combler cette lacune, le Conseil National des Femmes de Madagascar (CNFM) a mis en œuvre le projet « Soutenir l’inclusion des femmes et des filles de la région BOENY en tant que force motrice dans le processus d’élaboration des textes sur les droits fonciers communautaires ». Le projet vise à donner aux femmes et aux filles de la région de BOENY une voix active et équitable dans les discussions et les décisions relatives aux droits fonciers communautaires et à veiller à ce que les besoins, les perspectives et les intérêts spécifiques des femmes et des filles soient pleinement pris en compte dans l’élaboration des politiques et des lois foncières.   

L’inclusion des femmes et des filles dans ces processus favorise la gestion durable des ressources naturelles et renforce la résilience des communautés locales face aux changements environnementaux. À BOENY, les femmes et les jeunes sont désormais parties prenantes dans les processus de prise de décision, contribuant ainsi à des politiques foncières plus inclusives à Madagascar.  


Pour tout commentaire ou question, veuillez contacter Daiana Gonzalez. 

 

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