Date: juin 7, 2021
Les peuples autochtones, les communautés locales et les Afro-descendants (PA, CL & AD) — près de 2,5 milliards de personnes — gèrent de façon coutumière plus de 50% de la masse terrestre mondiale, mais les gouvernements ne reconnaissent la légalité de leur propriété que sur 10% (RRI, 2015). Heureusement, des progrès ont été réalisés ces dernières années pour remédier à cette injustice historique, car les gouvernements ont commencé à adopter des lois et à parvenir à des décisions de justice reconnaissant l’utilisation et la propriété historiques et coutumières de ces terres. Un récent bilan montre que depuis 2002, au moins quatorze nouveaux pays ont adopté des lois obligeant les gouvernements à reconnaître ces droits. De même, des décisions de justice allant dans le bon sens ont été rendues au niveau national et régional dans de nombreux pays en faveur de la reconnaissance officielle des droits fonciers et forestiers collectifs des peuples autochtones, des communautés locales et des Afro-descendants. Les études de RRI démontrent que si seulement sept pays mettaient en œuvre ces nouvelles lois, politiques et décisions de justice, plus de 176 millions d’hectares seraient transférés du gouvernement vers les autochtones, les communautés locales et les Afro-descendants, ce qui bénéficierait à plus de 200 millions de personnes (RRI, 2018).
Les progrès réalisés sur le plan légal montrent l’opportunité exceptionnelle qui se présente aux pays et à la communauté mondiale de s’attaquer à cette violation de longue date des droits de l’homme. Malheureusement, les cadres juridiques pour la reconnaissance des droits de tenure collective ne sont souvent pas mis en œuvre, car les gouvernements et les sociétés manquent souvent de ressources financières, de capacités organisationnelles ou d’intérêt politique pour faire appliquer ces lois et décisions de justice. Cette problématique n’a jamais été une grande priorité de la communauté internationale du développement – même s’il y a eu des investissements par certains donateurs multilatéraux et bilatéraux en collaboration avec les gouvernements et les communautés locales qui peuvent servir d’expérience et dont on peut tirer des leçons importantes.
Ces dernières années, une meilleure compréhension et appréciation du rôle des droits fonciers autochtones et communautaires garantis dans la protection des forêts et des écosystèmes a suscité un nouvel intérêt et de nouvelles opportunités, pour progresser face à cette trop longue crise des droits de l’homme. Les recherches montrent que les terres et territoires autochtones et communautaires légalement reconnus stockent plus de carbone, relâchent moins de carbone , ont un taux de déforestation nettement inférieur aux terres détenues par les autres acteurs et coûtent moins cher à établir et à entretenir que les zones protégées habituelles. Il est maintenant bien admis par le secteur scientifique mondial ainsi que par les secteurs de la conservation, du climat et de la biodiversité que les tenures foncières et forestières incertaines, contestées et injustes sapent les efforts internationaux visant à protéger, gérer durablement et restaurer les écosystèmes essentiels à la réalisation des objectifs en matière de climat, de conservation et de développement durable.
Pour ces raisons, de plus en plus de gouvernements et d’organisations travaillant sur le développement s’intéressent à l’identification des opportunités pour accélérer et intensifier la reconnaissance et le renforcement des droits des peuples autochtones, des Afro-descendants et des communautés locales sur leurs forêts, leurs terres, leurs territoires et leurs ressources.
L’objectif de ce rapport est de faciliter un plus grand investissement des gouvernements, des organisations travaillant sur le développement, le climat et la conservation dans des projets visant à reconnaître officiellement les droits fonciers et forestiers des communautés locales, des Afro-descendants et des peuples autochtones. Ce rapport est une analyse d’experts indépendants de haut niveau de l’état de préparation des pays aux investissements visant à garantir ces droits, en donnant la priorité aux pays membres du Fonds de partenariat pour le carbone forestier (FCPF), une initiative internationale visant à aider les gouvernements à réduire la déforestation et à atténuer ainsi le changement climatique. Ce rapport est conçu pour faciliter la sensibilisation et identifier les opportunités potentielles d’investissement par ces gouvernements et d’autres, par les soutiens du FCPF et par d’autres donateurs potentiels, et fournir un cadre de travail simple pour suivre l’état de préparation de ces investissements dans le temps. Ce « Cadre de travail sur les opportunités » permet un suivi en libre accès des progrès réalisés au niveau national et mondial sur la nécessité de reconnaître les droits fonciers collectifs des populations locales. Les évaluations sont intentionnellement indépendantes afin de permettre l’objectivité et la franchise de l’analyse et des jugements, et de donner ainsi une vue sans fard de la situation actuelle dans chaque pays.
Selon la logique de ce rapport et du Cadre de travail sur les opportunités lui-même, les résultats de cette analyse sont indicatifs plutôt que déterministes. Il est à espérer que, selon l’intérêt du donateur potentiel ou du gouvernement, on s’efforcera de faire davantage preuve de diligence raisonnable avant de choisir d’investir. Suivant cette même logique, ce rapport est suivi d’une seconde analyse, plus approfondie et plus opérationnelle, de ces mêmes questions en collaboration avec le FCPF, pour un ensemble sélectionné de pays membres du FCPF. Les résultats de ce travail seront publiés sur un site web et régulièrement mis à jour afin de continuer à fournir des informations à ceux qui souhaitent investir dans la protection des droits forestiers et fonciers des peuples autochtones, des communautés locales et des Afro-descendants.
L’objet de ce rapport, et du Cadre de travail lui-même, se limite à la reconnaissance formelle des droits fonciers et forestiers (c’est-à-dire la délimitation, la cartographie, l’enregistrement, etc.). Il n’évalue pas les étapes importantes et ultérieures du renforcement de la gouvernance communautaire ou territoriale, l’application de ces droits par les gouvernements ou les capacités nécessaires pour permettre aux organisations autochtones, locales et d’Afro-descendants de gérer ou d’exploiter leurs ressources ou de s’engager dans des entreprises ou des activités de développement économique – qui sont toutes essentielles pour une conservation et un développement durable et autodéterminé. Ce Cadre de travail se concentre sur la première étape de ce processus plus long.
https://doi.org/10.53892/JWJY2279