Les peuples autochtones et les communautés locales accueillent le tout premier congrès africain sur la conservation pilotée par les communautés

Le 25–27 octobre 2023

Windhoek, Namibie

EN SAVOIR PLUS

Cet événement permettra de définir une feuille de route pour l’Alliance émergente des peuples autochtones et des communautés locales pour la conservation en Afrique pour les cinq prochaines années.

  1. Du 25 au 27 octobre 2023, l’Alliance des peuples autochtones et les communautés locales pour la conservation en Afrique (AICA) et L’Initiative des droits et ressources (RRI) accueilleront conjointement le Congrès sur la conservation des peuples autochtones et des communautés locales à Windhoek, en Namibie.
  2. Ce Congrès vise à définir une stratégie de conservation basée sur les droits et centrée sur les personnes pour le continent et à promouvoir une gouvernance et une conservation inclusives, équitables et basées sur les droits en Afrique.
  3. Les dirigeants des communautés autochtones et locales, les organisations de conservation, les fonctionnaires et les donateurs internationaux de 47 pays africains partageront leurs connaissances, leurs expériences et les défis liés aux approches de conservation menées par les communautés.

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Le contexte

L’Afrique abrite un quart de la biodiversité de la planète et dispose d’un réseau de zones protégées couvrant 17 % de son territoire (parcs nationaux, réserves de chasse et réserves forestières), et ce nombre est promis à l’augmentation. Plus de 20 pays africains se sont déjà engagés à élever le nombre de zones protégées d’au moins 30 % d’ici à 2030.  

Bon nombre de ces zones protégées et de conservation actuelles et potentielles chevauchent les territoires des Peuples Autochtones et des communautés locales (PA et CL) qui ont toujours protégé ces écosystèmes grâce à des stratégies de gouvernance novatrices, à la propriété collective et à des connaissances écologiques ancestrales depuis des temps immémoriaux. Cependant, certaines de ces communautés ont été criminalisées et expulsées de leurs territoires, ce qui a menacé leurs moyens de subsistance et leurs systèmes de connaissances.

En réponse à ces violations des droits de l’homme, en juillet 2022, les Peuples Autochtones et les communautés locales – y compris les femmes et les jeunes – de 53 pays africains et de plus de 20 pays hors d’Afrique ont lancé l’Appel à l’action de Kigali, lors du Congrès africain sur les aires protégées (APAC) qui s’est tenu à Kigali, au Rwanda.

Au cours de l’APAC, les PA et les CL ont également publié une Déclaration dans laquelle est née l’idée de créer l’Alliance pour les Peuples Autochtones et les communautés locales pour la conservation en Afrique. L’AICA est conçue comme une plateforme pour partager les préoccupations, les actions, les programmes et l’apprentissage mutuel dans la région, et pour assurer le suivi des engagements pris à Kigali. L’une des principales activités prévues par l’Alliance est d’organiser le premier Congrès de Conservation du continent dirigé par les Peuples Autochtones et les communautés locales.

Un espace d’apprentissage et de réflexion sur les initiatives de conservation menées par les communautés dans l’Afrique

Ce congrès de trois jours facilitera les expériences d’apprentissage interrégionales sur les systèmes de conservation et de connaissances gérés par les communautés et offrira l’occasion de discuter et de reconnaître les priorités des Peuples Autochtones et des communautés locales autour de cinq thèmes : 

  1. les interactions entre l’homme et la faune et les stratégies visant à atténuer les conflits avec la faune ; 
  2. Les mécanismes de réparation des griefs, y compris les violations des droits passées et présentes ; 
  3. le rôle, la participation et l’engagement des femmes et des jeunes dans la conservation ; 
  4. le régime foncier et les moyens de subsistance des populations autochtones et des communautés locales ; et
  5. les réformes législatives en matière de conservation et les objectifs 30×30 en matière de climat et de biodiversité.

Jour 1

La terre des braves : La Namibie a ouvert ses portes aujourd’hui à plus de 300 représentants de gouvernements, de donateurs, d’ONG, de peuples autochtones et de communautés locales venus de toute l’Afrique pour assister à un magnifique spectacle de chants et de danses autochtones.

Le groupe culturel *Hai||om exécutant des danses et musiques traditionnelles lors de la cérémonie de bienvenue.

Cérémonie de bienvenue

À l’image de la manière dont de nombreuses communautés africaines se réunissent sous un arbre pour prendre des décisions ou s’assoient autour d’un feu pour écouter des histoires et apprendre de leurs aînés, le tout premier congrès sur la conservation communautaire a rassemblé ses participants autour de la scène de Windhoek, instruments à la main et chants dans le cœur, afin d’entamer un dialogue continental sur la conservation communautaire en Afrique.

L’événement a débuté par les remarques d’ouverture de Rodgers Lubilo, président du Community Leaders Network of South Africa (CLN), l’une des organisations hôtes du Congrès. Lubilo a souhaité la bienvenue aux représentants de plus de 40 pays et a profité de l’occasion pour mentionner les racines qui ont rendu cet événement possible, l’Appel à l’action de Kigali et la Déclaration créée en 2022 lors du Congrès de l’UICN sur les aires protégées en Afrique (APAC) qui s’est tenu à Kigali, au Rwanda.

Comme il est d’usage lors des dialogues africains, l’événement a débuté par une bénédiction des anciens de la communauté. À cette occasion, c’est le chef Frederick Langman, de l’autorité traditionnelle Kao/Aesi* de Namibie, qui s’est adressé à l’auditoire. Langman a évoqué les difficultés rencontrées par sa communauté pour accéder aux ressources naturelles, qui deviennent de plus en plus rares en raison du changement climatique et des mesures de conservation strictes.

« En Namibie, nous avons encore des problèmes avec la conservation traditionnelle, qui divise et classe les territoires, mais nous sommes tous ici parce que nous connaissons l’importance d’une conservation différente. Nous sommes tous des peuples autochtones et des communautés locales qui s’inscrivent dans le même cadre et qui peuvent prendre soin les uns des autres. » – Chef Frederick Langman

Après la bénédiction, le groupe culturel Hai||om* est monté sur scène pour interpréter la chanson traditionnelle Ruacana, qui est dansée dans les communautés pour encourager les chasseurs à revenir chez eux.

« Nous le chantons chaque fois que le chef d’un point d’eau veut envoyer les meilleurs chasseurs à la recherche d’eau ou à la chasse, afin qu’ils apportent de bonnes nouvelles, » a déclaré Gerson Nanseb, coordinateur du groupe culturel.

Les danses et les chants ont été reconnus comme l’expression de la relation symbolique que les communautés entretiennent avec la nature et, dans ce même sens, comme un élément fondamental de leur approche de la conservation.

« En tant que peuples autochtones et communautés locales, nous avons toutes les raisons de célébrer la conservation communautaire car, depuis des temps immémoriaux, nous avons efficacement conservé les forêts, les écosystèmes et la biodiversité grâce à la propriété collective, à la gouvernance traditionnelle et aux systèmes de connaissances écologiques qui perdurent à ce jour, » a déclaré Malidadi Langa, président par intérim de l’Alliance pour les peuples autochtones et les communautés locales (AICA).

M. Malidadi Langa, président intérimaire de l’Alliance pour les peuples autochtones et les communautés locales (AICA), prononçant le discours d’ouverture.

Alain Frechette, directeur de l’analyse stratégique et de l’engagement mondial à l’Initiative des droits et ressources (RRI), a mentionné l’efficacité de la conservation menée par les communautés pour lutter contre le changement climatique. « Les zones forestières détenues et gérées par les peuples autochtones, les communautés locales et les peuples afro-descendants affichent des taux de déforestation bien inférieurs et des taux de stockage du carbone supérieurs à ceux d’autres zones protégées ou non. »

Après ces mots et de brèves présentations des représentants sous-régionaux de l’Afrique du Nord, du Sud, de l’Ouest, du Centre et de l’Est, ainsi que de la Corne de l’Afrique, les ministres de la Namibie et de l’Éthiopie sont entrés en scène.

L’honorable Heather Sibungo, ministre namibienne de l’environnement, des forêts et du tourisme, a déclaré : « Ces trois jours ont pour but d’articuler la vision des droits, de démontrer le rôle que les communautés locales jouent dans la conservation et le prix qu’elles paient pour vivre avec la vie sauvage. »

L’honorable Royal Johan Kxao IUiloloo, ministre adjoint des communautés marginalisées de Namibie, a ajouté : « Nous devrions appliquer le principe de la participation et de la représentation communautaires (CPR). Les droits des peuples autochtones et des communautés locales doivent être protégés, célébrés et respectés. »

Appel à l’action de Kigali et déclaration de l’APAC

Jose Monteiro, secrétaire-directeur du Réseau des ressources basées sur la nature (ReGeCom) au Mozambique, a fait part de ce qui s’est passé depuis la signature de l’appel à l’action et de la déclaration de Kigali en juillet 2022, de ce qui est prévu pour la suite et a identifié quelques pistes pour aller de l’avant.

Le panel était composé de Charles Oluchina, de l’UICN, de Frederick Kwame, de l’African Wildlife Foundation (AWF), de Brighton Kumchedwa, président de l’Africa Protected Areas Directors (APAD), et de Malih Ole Kaunga, de l’Indigenous Movement for Peace Advancement and Conflict Transformation (IMPACT).

« Nous devons nous assurer que l’AICA a une représentation efficace. Les communautés doivent être des leaders et être bien représentées… Nous avons partagé avec toutes les communautés de l’événement des réflexions sur la manière de faire avancer les engagements pris à l’APAC, » a déclaré Monteiro.

Résultats préliminaires du rapport de RRI sur la conservation communautaire et basées sur les droits en Afrique

Kendi Borona, facilitatrice du programme Afrique de RRI, a partagé les résultats préliminaires d’un rapport à venir sur les approches de conservation menées par les communautés et basées sur les droits en Afrique. Le rapport contiendra 27 études de cas menées dans 19 pays africains. Cependant, des données supplémentaires sont nécessaires pour assurer une représentation précise de la conservation sur le continent.

Borona a déclaré : « Les communautés vivent partout en Afrique, y compris dans les régions les plus reculées, et la plupart de leurs domaines contiennent des ressources naturelles. Elles ont clairement fait savoir qu’elles n’accepteraient pas que de nouvelles zones protégées par l’État soient créées à partir de leurs terres coutumières. Nous devons favoriser l’apprentissage par la pratique et utiliser des cas concrets pour orienter les changements afin de mieux répondre aux besoins des communautés et de la conservation. »

Contributions des peuples autochtones et des communautés locales aux approches, systèmes de connaissances et initiatives de conservation menées par les communautés

Basiru Isa, secrétaire général régional du Réseau des peuples autochtones pour la gestion durable des écosystèmes forestiers en Afrique centrale (REPALEAC), a recueilli des exemples intéressants de conservation menée par les communautés dans différentes régions.

La communauté Ogiek d’Afrique de l’Est en est un exemple : « Notre mode de production est primaire, c’est-à-dire que nous utilisons ce qui est disponible, alors comment pouvez-vous maintenir votre vie si vous n’avez pas accès à la nature ? » a déclaré Martin Simotwo, de la communauté autochtones Ogiek du Kenya.

« Nous avons des lois communautaires qui réglementent l’utilisation des ressources et indiquent comment y accéder, ainsi que les périodes et les zones territoriales où chaque communauté peut planter ses vergers. Grâce à ces réglementations, nous savons que nous pouvons vivre confortablement et en paix, mais aujourd’hui, nous sommes également confrontés à la réduction de la biodiversité et à des défis mondiaux majeurs. » – Martin Simotwo

Selma Lendelvo, chercheuse à l’université de Namibie, animant une table ronde sur les interactions entre l’homme et la faune.

Interactions entre l’homme et la faune et mécanismes de règlement des griefs

La journée s’est achevée par une discussion sur les interactions entre l’homme et la faune, un problème concret qui prend de l’ampleur dans certaines zones rurales. Selma Lendelvo, chercheuse à l’université de Namibie, a animé le débat et souligné que les conflits entre l’homme et la faune sauvage devenaient de plus en plus une activité lucrative pour certains acteurs.

« Les conflits entre l’homme et la faune sont le résultat de la création de zones protégées en Afrique du Nord. Ici, il n’y a pas d’animaux féroces, mais les zones protégées créées par le gouvernement sont mal gérées et les habitats des animaux sont détruits, » explique Arezki Hammoum, d’Algérie.

« La solution serait la concertation, qui n’existe pas aujourd’hui, et le retour de la propriété et du pouvoir de protection des animaux aux communautés qui savent vivre en harmonie avec ces animaux. »

Après ces présentations et une dernière danse traditionnelle, la première journée du Congrès s’est officiellement achevée, aiguisant l’appétit des participants pour entendre d’autres histoires et apprendre de leurs voisins dans les jours à venir.

*Note : Le symbole // émet des sons qui n’ont pas de traduction dans l’alphabet romain.

Jour 2

La célébration de la conservation menée par les communautés s’est poursuivie avec un programme riche le deuxième jour. Les participants ont réfléchi à la manière dont les structures communautaires internes, les législations nationales et les conventions mondiales actuelles en matière de conservation ont intégré et reconnu le rôle des peuples autochtones et des communautés locales, y compris les femmes et les jeunes.

Les sessions du deuxième jour débutent par un spectacle du groupe culturel Hai||om de Namibie.

La journée a commencé du bon pied : avec un spectacle de danse artistique du groupe culturel Hai||om de Namibie. La danse représentait les nombreuses façons dont les communautés sont liées à leurs territoires : chasse, collecte de nourriture et traditions de guérison.

Un programme ambitieux comprenant quatre tables rondes s’est concentré sur la compréhension des conventions internationales par les communautés, l’insécurité foncière des communautés, les réformes législatives pour la résolution des conflits dans les zones protégées et le rôle et la participation des femmes et des jeunes des communautés autochtones et locales dans la conservation.

Comprendre le rôle des conventions mondiales

Ce panel a analysé les conventions mondiales existantes sur la conservation et la reconnaissance des droits des peuples autochtones et des communautés locales, dans le but de renforcer les connaissances des participants sur la manière de s’engager dans les discussions à ce sujet d’une seule voix.

Anne Samante, du Kenya, a présenté les résultats du Sommet africain sur le climat (AEC) qui s’est tenu à Nairobi en 2023. Ce sommet a débouché sur un appel à l’action et une déclaration axés sur la reconnaissance des droits des peuples autochtones et des communautés locales dans la région.

« L’AEC a débouché sur la Déclaration de Nairobi sur les peuples autochtones, dans laquelle ces derniers sont reconnus pour la première fois. C’est une grande réussite, même si elle ne représente qu’un petit pourcentage de la reconnaissance à 100 % que nous, les peuples autochtones, exigeons, » a-t-elle déclaré.

Monique Atouguia, de Nature Finance, a appelé à la mise en œuvre de marchés fondés sur la nature, gouvernés et façonnés par et pour les communautés, tandis qu’Alain Frechette, directeur de l’analyse stratégique et de l’engagement mondial de RRI, a axé son intervention sur la nécessité de faire progresser collectivement l’accès des communautés aux droits fonciers.

« Les pays ont besoin de cadres juridiques qui soutiennent les besoins à long terme des communautés et l’accès à la terre. Il est également essentiel de renforcer les capacités des communautés autochtones et locales. » – Alain Frechette

Vital Babanze, qui s’est concentré sur les mécanismes de l’ONU pour la protection des peuples autochtones et des communautés locales, Njing Shei Wilson, de la COMIFAC, qui a présenté des cas du bassin du Congo, Stanley Kimaren ole Riamit, qui a parlé de l’impact du marché du crédit carbone sur les communautés, et Hawe Hamman, de l’UNDRIP, qui a parlé de l’utilisation de la Charte africaine par les communautés, se sont également joints à la conversation.

Lier l’insécurité foncière à la conservation et aux moyens de subsistance des communautés

Siviwe Swababa, d’Afrique du Sud, a ouvert le débat en partageant l’expérience réussie de la loi de 1996 sur les associations de propriété communale de son pays. Cette loi, qui vise à autoriser les communautés à créer des entités juridiques, facilite l’acquisition, la propriété et la gestion collectives des terres par les communautés.

« Nous, les peuples autochtones sud-africains, avons été laissés pour compte… nous avons été dépossédés de nos terres. Nous avons une majorité d’autochtones, mais ce sont des étrangers qui possédaient la plupart des ressources du pays. » Swababa a ajouté que le CSA avait été créé pour remédier à cette injustice. « Aujourd’hui, nous avons des cas comme celui de Caguba, une région historiquement minière, où les communautés ont changé la perspective. »

(De gauche à droite) Binta Monya Jalloh de la Sierra Leone, Parfait Dihoukamba de la République du Congo, et Mina Beyan du Liberia participant à une table ronde.

Un panel modéré par Ronny Dempers a réfléchi à la manière dont l’Alliance pour les peuples autochtones et les communautés locales pour la conservation en Afrique (AICA) peut faciliter la mise en place de mécanismes robustes et reproductibles de recours pour les violations passées et actuelles des droits fonciers des peuples autochtones et des communautés locales.

« Ce que le gouvernement appelle le développement, c’est le développement pour eux et la pauvreté pour nous, » a déclaré Mohamed Jaouhari, du Congrès mondial du peuple amazigh (CMA) d’Afrique du Nord.

« Nous, le peuple Amazigh, considérons la terre comme sacrée. L’agriculture, le pastoralisme et les ressources naturelles sont partagés collectivement, il y a donc un respect de la nature et une relation équilibrée entre les hommes et la terre. Mais nous n’avons pas de reconnaissance légale. » – Mohamed Jaouhari

Jaouhari a ajouté que les colonisateurs ont établi un cadre administratif pour s’approprier les terres et les ressources du peuple Amazigh, et que cette politique est toujours utilisée par les gouvernements, maintenant un système qui est problématique pour le climat et les écosystèmes de la région.

Au Liberia, le contexte est légèrement différent. Bien que le pays ait adopté certaines des lois les plus progressistes d’Afrique subsaharienne en matière de droits fonciers communautaires, ces législations doivent encore être pleinement mises en œuvre.

« Au Libéria, les droits fonciers collectifs sont respectés par la loi, mais le problème réside dans la mise en œuvre et les pratiques traditionnelles qui ne permettent pas aux femmes d’accéder à leurs droits fonciers, » a déclaré Mina Beyan, de l’organisation à but non lucratif libérienne SESDev.

Binta Monya Jalloh (Sierra Leone), Parfait Dihoukamba (République du Congo), Sadia Ahmed (Somalie) et Naivaya Ndaskoi (Tanzanie) ont fait part de préoccupations similaires concernant l’absence de mise en œuvre de cadres juridiques susceptibles de reconnaître les droits fonciers coutumiers.

Diel Mochire, de la RDC, a souligné l’importance de la sécurité dans le contexte des ressources minérales du pays, précisant que celles-ci sont souvent accaparées par des puissances extérieures, ce qui met en péril la stabilité et la souveraineté nationales. Il a souligné le besoin urgent de protéger ces biens nationaux qui appartiennent aux populations locales de la RDC.

Dans ce contexte, les participants ont appelé de différentes manières à la création de réseaux multisectoriels plus solides, auxquels se joindraient les donateurs et les organisations internationales, afin que les voix des communautés puissent être entendues à tous les niveaux.

Coexister avec les zones protégées

Nasser Abouzakhar, directeur du Congrès mondial du peuple Amazigh, a animé une table ronde sur l’inclusion des priorités des peuples autochtones et des communautés locales dans les programmes nationaux et régionaux.

Le panel comprenait des représentants de l’APAD, de l’AICA, de l’Institut congolais pour la conservation de la nature, de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et du ministère namibien de l’irrigation et des basses terres de Namibie. Les participants ont fait part d’une série de problèmes liés aux zones protégées, notamment le manque d’informations, les violations des droits de l’homme, l’absence de consultation pour l’extraction et l’absence de réglementation en matière d’occupation.

« Nous sommes tous d’accord pour dire que les gouvernements doivent écouter les communautés autochtones et locales et entamer un dialogue et une consultation continue sur la gestion de leurs territoires. » – Nasser Abouzakhar

Les femmes et les jeunes dans la conservation

La session de clôture a été modérée par Maimuna Umaro de REPALEAC, RDC. Les participants ont reconnu la nécessité d’ouvrir davantage d’espaces pour le transfert des connaissances traditionnelles aux jeunes des communautés autochtones et locales. Cependant, les participants ont reconnu que le processus doit être flexible et éventuellement fragmenté pour permettre aux jeunes de renforcer leurs compétences dans les institutions académiques.

Myriam Graba, d’Algérie, a déclaré : « Il faut adapter la tradition à la modernité et trouver un équilibre entre les deux. Nous ne pouvons pas dire non à la technologie et à l’innovation. Ouvrir ces portes nous rapprochera des jeunes. »

Le panel a également identifié comme défis communs l’accès inéquitable à la terre pour les jeunes et les femmes, les difficultés de transfert des actifs, la violence basée sur le genre, le manque d’éducation et d’accès aux données et à la technologie.

Maimuna Umaro de REPALEAC, modératrice du panel, s’engageant avec les participants.

L’idée que le rôle des femmes dans les communautés autochtones et locales doit être valorisé a fait l’objet d’un consensus général. À cette fin, Myriam Graba a proposé de soutenir de nouvelles micro-entreprises dirigées par des femmes, ce qui leur garantirait un accès économique et leur donnerait un plus grand pouvoir de décision au sein de la communauté.

C’est sur ces riches discussions que s’est achevée la deuxième journée du Congrès, laissant place à la dernière journée au cours de laquelle les participants exploreront des actions concrètes en vue de créer une stratégie panafricaine pour la conservation menée par les communautés.

Jour 3

Le troisième et dernier jour du Congrès, les participants ont eu l’occasion de se tourner vers l’intérieur. Des représentants de cinq régions africaines ont analysé les développements survenus dans chaque région depuis l’appel à l’action et la déclaration de Kigali et ont élaboré une feuille de route l’AICA.

La communauté Samburu du Kenya a lancé la journée en partageant une danse ancestrale. Les membres des communautés namibiennes ont tenu la main à la communauté Amazighe d’Afrique du Nord et aux représentants des communautés autochtones et locales d’Afrique centrale, occidentale et orientale. Basiru Isa, de REPALEAC, a ouvert les conversations.

« Nous devons poursuivre et renforcer ce dialogue. Notre victoire, c’est d’être ensemble. » – Basiru Isa

Les participants de chaque région ont eu l’occasion de se connecter avec leurs pairs des pays voisins et de discuter des progrès et des défis depuis l’APAC en 2022.

« La vision de l’AICA est d’avoir une voix plus large et unie des peuples autochtones et des communautés locales d’Afrique de l’Est vers l’Afrique et le monde, qui peut mobiliser et collecter des ressources pour des projets de conservation communautaire, le renforcement des capacités et la création de chapitres par pays pour développer des plans d’action, » a déclaré Loupa Pius, un jeune leader pastoral et coprésident de la Coalition des organisations de la société civile pastorale (COPACSO) de l’Est et de la Corne de l’Afrique.

Les participants d’Afrique de l’Ouest ont fait part de leurs réalisations depuis 2022 et ont mis en lumière certains cas, comme celui de la Sierra Leone, où une conférence nationale d’une journée sur la conservation et l’environnement a débouché sur un projet de stratégie et de plan d’action en faveur de la biodiversité qui attend d’être approuvé au niveau national.

Mary Ama Kudom-Agyemang, présidente de la Bono East Regional Lands Commission et directrice exécutive de la Media Platform on Environment and Climate Change (MPEC) au Ghana, a mentionné les cas du Bénin, du Liberia et du Ghana, où les gouvernements ont intensifié les discussions nationales sur la reconnaissance des peuples autochtones dans le domaine de la conservation.

Concernant la vision de l’Afrique de l’Ouest autour de l’AICA, elle a déclaré : « Nous voulons inclure la vision de l’Alliance dans l’initiative de convergence forestière créée par la CEDEAO et veiller à ce que les voix des peuples autochtones soient entendues. »

Mary Ama Kudom-Agyemang, présidente de la Bono East Regional Lands Commission et directrice exécutive de la Media Platform on Environment and Climate Change (MPEC) au Ghana.

Les représentants de la région Afrique centrale de sept pays (Burundi, Cameroun, République du Congo, Gabon, RDC, Rwanda et Tchad) ont partagé une longue liste de projets qui intègrent une collaboration multisectorielle entre les gouvernements, les communautés et les acteurs du développement international. Les principaux développements dans la région comprennent le premier forum des femmes autochtones et des communautés locales, qui s’est tenu à Brazzaville en avril 2023, et la diffusion de la déclaration de Kigali aux peuples autochtones et aux gouvernements de toute l’Afrique centrale.

« Notre ambition avec l’AICA est d’avoir des peuples autochtones et des communautés locales forts en Afrique, avec une voix unique et un cadre de coopération. Pour l’instant, nous rapporterons les résultats de ce congrès à nos communautés et nous continuerons à soutenir le renforcement de nos réseaux, » ont-ils déclaré.

Rodgers Lubilo, du CLN d’Afrique australe, a présenté la vision de sa région pour l’AICA. Il a déclaré que l’Alliance devait donner plus de pouvoir à ses membres, canaliser les ressources et soutenir les projets menés par les communautés aux niveaux régional et national.

« Nous devons développer un front uni pour promouvoir l’espace des femmes et des jeunes et soulever des questions collectivement. Cela implique de soutenir les communautés dans leur participation aux réunions internationales, en particulier lorsqu’il s’agit de franchir les barrières linguistiques. » – Rodgers Lubilo

Belkacem Lounes, de la communauté Amazighe d’Afrique du Nord, a ajouté : « Notre langue, notre éducation et notre gouvernance sont toutes liées à la conservation. »

La communauté Amazighe d’Afrique du Nord.

Renforcer la coordination et le partenariat

« Lorsque vous vous rendez dans n’importe quel village d’Afrique, vous trouverez un certain niveau de conservation. C’est parce que la conservation est un mode de vie pour les communautés, » a déclaré Patrick Kipalu, directeur du programme Afrique de RRI, qui a animé un groupe de discussion sur la manière dont les communautés peuvent renforcer leur coordination et leurs réseaux pour atteindre les priorités qu’elles se sont fixées en matière de conservation.

« Les peuples autochtones et les communautés locales organisent cet espace, créent leur propre agenda et réunissent 43 pays sur 54 en Afrique. Les pays de l’ensemble du continent discutent avec les donateurs et les ONG de ce qui peut être fait pour tirer parti des initiatives de conservation communautaires, » a ajouté Kipalu.

Ce panel visait à partager les plans et les stratégies de soutien à la conservation communautaire par les donateurs et les alliés des communautés. Il comprenait des représentants de l’UICN, du Fonds Christensen, de la Coopération allemande au développement (GIZ), de Nature Finance et de Rainforest Foundation Norway.

Alain Frechette, directeur de l’analyse stratégique et de l’engagement mondial à RRI, a prononcé le discours d’ouverture de la discussion. Il a déclaré : « Dans toute l’Afrique, les peuples autochtones, les communautés locales – et en particulier les femmes et les jeunes au sein de ces groupes – n’ont jamais été aussi bien positionnés, organisés et coordonnés pour défendre et réaliser leurs droits à la terre et aux moyens de subsistance. »

Chaque participant a exprimé son soutien et son engagement en faveur de l’élargissement de l’accès des communautés aux terres et aux processus de conservation.

« Nous pensons que la terre est un point d’entrée important pour les droits de l’homme et l’environnement. C’est pourquoi depuis 2018, nous avons réajusté notre mission et notre vision pour soutenir les peuples autochtones et les communautés locales, » a déclaré Hassan Roba de Christensen Fund. « Nous avons quatre programmes qui soutiennent les droits fonciers africains. Pour nous, la conservation concerne une connexion holistique, une intégrité territoriale qui soutient les droits fonciers, l’environnement et la culture des populations. »

Une discussion régionale sur l’avenir de l’AICA.

Le programme s’est achevé par une reconnaissance de la sagesse ancestrale des anciens autochtones et par une allocution de M. Royal Johan Kxao IUiloloo, vice-ministre des communautés marginalisées de Namibie, qui a assisté à toutes les sessions du Congrès.

« Les peuples autochtones et les communautés locales proches des zones de conservation font partie des populations les plus pauvres. Je dis qu’il dépend de nos pays respectifs de changer cette réalité. En tant que gouvernement, nous vous écoutons et nous avons besoin de votre soutien et de votre expertise dans cette voie. » – Hon. Royal Johan Kxao IUiloloo

Pour l’avenir, le comité directeur de l’AICA prévoit de créer une feuille de route de l’Alliance compilant les recommandations et les visions des participants de chaque région. Cette feuille de route guidera également le prochain Congrès, qui sera annoncé dans les mois à venir.