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La Conservation basée sur les droits, chemin viable pour réaliser l’agenda mondial en matière de biodiversité selon une nouvelle étude
L'Initiative des droits et ressources
01 .12. 2020  
7 minutes read
THEMES:
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  • Historiquement ignorées par la conservation exclusionniste, les communautés autochtones et locales ont un rôle primordial à jouer dans la réalisation de l’ambitieux agenda mondial des Nations Unies en matière de biodiversité.
  • Plus d’1,65 milliard de personnes autochtones, communautés locales et Afro-descendants détiennent la clé pour la prévention d’un effondrement de la biodiversité mondiale.
  • Selon les estimations, la reconnaissance des droits de tenure des communautés autochtones et locales coûte moins d’1% du coût de réinstallation des populations vivant dans les zones riches en biodiversité.

Pendant que les Nations Unies, les ONG et les défenseurs de l’environnement militent pour placer au moins 30% de la zone terrestre de la Planète sous un régime de conservation formelle à l’horizon 2030, une nouvelle étude a attiré l’attention sur les coûts potentiels du recours à des approches de conservation exclusionniste pour atteindre ces objectifs. Cette étude décline la voie pour atteindre ces objectifs, notamment en promouvant l’autonomie des peuples autochtones, des communautés locales et des Afro-descendants qui détiennent des droits fonciers coutumiers sur au moins la moitié de la Terre. 

Cette étude menée par l’Initiative des droits et ressources (Rights and Resources Initiative ou RRI en anglais) et produite en collaboration avec Campaign for Nature (Campagne pour la Nature) a montré que plus d’1,65 milliard de peuples autochtones, de communautés locales et d’Afro-descendants vivent dans les plus grandes zones de conservation de la biodiversité dans le monde. Elle a également montré que 56% des personnes vivant dans ces zones de conservation de la biodiversité sont dans des pays à revenu faible et intermédiaire ; tandis que seuls 9% vivent dans des pays à revenu élevé. Cela témoigne de l’impact disproportionné de la conservation sur les pays du Sud.

« Ce rapport montre que sous l’angle scientifique comme économique, l’investissement dans les droits des peuples autochtones et des communautés locales sur la terre et les ressources devrait constituer la principale stratégie pour l’atteinte des cibles en matière de biodiversité mondiale », a déclaré Brian O’Donnell, Directeur de la Campagne pour la Nature. « En adoptant la conservation basée sur les droits, les 190 pays, qui négocient la mise en place du Cadre Mondial de la Biodiversité pour l’après 2020 des Nations Unies, ont une occasion importante de protéger la planète et de renforcer considérablement les droits de l’Homme en même temps. »

Bien que toutes les approches de zones protégées ou de conservation ne portent pas atteinte aux intérêts des peuples autochtones, des communautés locales et des Afro-descendants, nombreuses sont celles qui ont eu pour objectif de préserver la biodiversité par le déplacement des populations et l’interdiction d’accès ou l’utilisation traditionnelle à l’intérieur des frontières de ces zones protégées. L’étude a procédé à une estimation du coût de ces approches publiques de zones protégées, montrant que le coût de réinstallation d’1,2 à 1,5 milliard de personnes vivant dans des zones riches en biodiversité oscille entre 4 à 5 billions de dollars américains.

Ces données s’appuient sur les prévisions financières des plans d’action de réinstallation élaborés par la Société Financière Internationale, entre autres. Selon les projections des auteurs, sur la base des données recueillies au Pérou, en Indonésie, en Inde, au Népal et au Libéria, le coût de la reconnaissance des droits de tenure des communautés autochtones et locales représente moins d’1% de celui de réinstallation des populations dans les zones riches en biodiversité.

« Il s’agit de la première étude visant à quantifier l’apport potentiel des communautés autochtones et locales dans les efforts de réalisation des objectifs de conservation de la biodiversité à l’échelle mondiale », a déclaré Dr James Aallan, co-auteur du Rapport, spécialiste en conservation et chercheur en écologie mondiale à l’Université d’Amsterdam. « Le travail effectué montre que ces populations sont des partenaires de premier plan ayant un rôle prépondérant à jouer. Les défenseurs de l’environnement doivent tirer profit des opportunités sur le plan moral et financier qu’offre une approche basée sur les droits. »

José Francisco Cali Tzay, rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones a également approuvé les conclusions dudit rapport. « Tout au long de l’histoire en dents de scie de la conservation, nous avons perçu la conservation exclusionniste comme vecteur de violation des droits de l’Homme et de formes militarisées de violence. Nous avons maintenant la preuve que cette approche est dévastatrice sur le plan économique. Le fait de payer les peuples autochtones pour qu’ils abandonnent des terres qu’ils ont historiquement protégées mieux que les gouvernements et les entités privées est voué à l’échec et est susceptible de perpétuer les torts du passé. »

Le rapport s’appuie sur des recherches antérieures qui montrent que les peuples autochtones, les communautés locales et les Afro-descendants ont des droits fonciers coutumiers sur au moins la moitié de la zone terrestre mondiale, mais n’en détiennent légalement que 10%.

« Ce rapport renforce les conclusions revues par les pairs qui montrent combien les peuples autochtones, les communautés locales et les Afro-descendants sont bien plus efficaces que les gouvernements dans la protection des écosystèmes et des forêts, particulièrement lorsqu’ils détiennent des droits formels qui leur permettent de continuer à protéger leurs territoires », a déclaré Thomas Worsdell, un autre co-auteur du rapport. « Soutenir leur intervention et leur auto-détermination est le moyen le plus rentable d’atteindre les objectifs en matière de biodiversité mondiale », a-t-il ajouté.

Pour sa part, Raina Thiele, membre de la tribu des Dena’ina Athabascan et également Yup’ik, conseillère de la Campagne pour la Nature sur les peuples autochtones a ajouté que toute approche ignorant les droits de propriété communautaires et autochtones cause un risque considérable de conflits sociaux et de déplacement.

« Les conflits et la violence autour de certaines zones protégées montrent que les approches exclusionnistes ne peuvent plus continuer, encore moins prospérer pour atteindre les objectifs au niveau mondial », a affirmé Raina Thiele qui a travaillé avec l’Administration Obama sur des questions tribales. « Certaines organisations de conservation en ont pris conscience et ont changé de pratique vers l’adoption de modèle de conservation basée sur les droits ; d’autres doivent maintenant en faire de même. »

Le rapport renferme également des recommandations pratiques à l’attention des organisations et institutions intergouvernementales, des organisations de conservation, des bailleurs de fonds et des gouvernements. Entre autres, ces recommandations exhortent ces acteurs à adopter les Principes de la Norme d’excellence regroupant les meilleures pratiques pour la reconnaissance et le respect des droits des peuples autochtones, des communautés locales et des Afro-descendants dans le contexte des actions liées au climat, à la conservation et au développement durable. Selon Andy White, coordonnateur de RRI, ces conclusions seront utilisées comme références pour plus de collecte de données aux niveaux régional et national. Ces conclusions seront rendues publiques au début de l’année 2021.

« Les observations et conclusions au niveau mondial nous montrent que nous n’allons pas réaliser notre agenda ambitieux en matière de conservation, à moins de changer de façon de faire », a-t-il ajouté. « Il est temps que nous prenions conscience de l’urgence de considérer les droits fonciers comme fondement, plutôt qu’une réflexion après coup dans l’agenda de conservation. »

L’Initiative des droits et ressources

L’Initiative des droits et ressources est une Coalition mondiale de plus de 150 organisations engagées à faire progresser les droits relatifs aux forêts, aux terres et aux ressources des peuples autochtones, des Afro-descendants, des communautés locales et des femmes au sein de ces groupes. Les membres tirent parti des forces, de l’expertise et de la portée géographique de chacun pour trouver des solutions plus efficaces. RRI s’appuie sur l’expertise des membres de la Coalition pour promouvoir le respect des droits locaux sur les terres et les ressources et susciter une réforme progressive des politiques et des marchés. En développant une compréhension stratégique des menaces et opportunités mondiales résultant de droits précaires sur les terres et les ressources, RRI élabore et promeut des approches commerciales et de développement fondées sur les droits et catalyse des solutions efficaces pour renforcer la réforme du régime foncier rural et la gouvernance durable des ressources. RRI est coordonnée par le Groupe des droits et ressources, une organisation à but non lucratif basée à Washington, D.C.

La Campagne pour la Nature

La Campagne pour la Nature (Campaign for Nature) travaille avec des scientifiques, des peuples autochtones et une coalition en pleine expansion de plus de 100 organisations de conservation à travers le monde qui invitent les décideurs à s’engager sur des cibles claires et ambitieuses à retenir lors de la 15ème Conférence des Parties de la Convention sur la Diversité Biologique prévue à Kunming en Chine en 2021, en vue de protéger au moins 30% de la Planète à l’horizon 2030, et à collaborer avec les leaders communautaires pour assurer le respect total des droits des peuples autochtones.

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