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Le Soudan du Sud à un tournant : L’urgence de garantir les droits fonciers pour la paix et la stabilité
Wodcan Saviour Lazarus, Secrétaire général de l’Alliance pour les terres du Soudan du Sud (SSuLA)

Le Soudan du Sud, l’un des pays les plus divers d’Afrique et la plus jeune nation du monde, se trouve à un moment critique. Alors que le pays compte plus de 60 grands groupes ethniques, il demeure à ce jour dépourvu d'une politique foncière intégrale, ce qui rend les communautés vulnérables aux pratiques d'accaparement des terres, à l'exclusion et aux conflits.

12 .03. 2025  
6 minutes de lecture
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Le Soudan du Sud, l’un des pays les plus divers d’Afrique et la plus jeune nation du monde, se trouve à la croisée des chemins. Près de 14 ans après avoir obtenu son indépendance à la suite d’un accord qui a mis fin à la plus longue guerre civile du continent africain, le pays reste en proie à des problèmes d’instabilité politique, de conflits internes et de stagnation économique qui prennent racine dans des différends fonciers et dans la faiblesse des structures de gouvernance. Alors que le pays compte plus de 60 grands groupes ethniques, il ne dispose toujours pas d’une politique foncière intégrale, ce qui rend les communautés vulnérables à l’accaparement des terres, à l’exclusion et aux conflits.

Depuis 2006, les efforts visant à mettre en place une Politique foncière nationale (PFN) se heurtent à des reports répétés et à l’inaction politique. Aujourd’hui, alors que l’Assemblée nationale législative de transition (TNLA) doit reprendre ses travaux en avril 2025, la société civile Sud-Soudanaise et les partenaires internationaux exhortent les décideurs à adopter enfin la PFN et à franchir ainsi une étape cruciale dans la sécurisation des droits fonciers, la promotion du développement durable et la garantie d’une paix à long terme. Vous pouvez vous joindre à leur appel en signant leur lettre ouverte.

Crédit photo: Struggle Kizito pour SSULA.

La terre, source de conflits et d’inégalités

Alors que la Constitution de transition de 2011 stipule que « toutes les terres appartiennent au peuple du Soudan du Sud, » l’absence d’une politique foncière intégrale a généré de graves conflits en lien à l’utilisation des terres, exacerbés par la faiblesse des cadres institutionnels. Pendant des décennies, les terres ont été objet de corruption et d’exclusion au bénéfice d’individus puissants, dont des membres des élites politiques, des représentants du gouvernement et des magnats des affaires, ce qui a entraîné :

  • Des conflits fonciers récurrents entre agriculteurs et communautés pastorales ;
  • La marginalisation des peuples autochtones, des communautés locales et des femmes, qui n’ont souvent aucune reconnaissance formelle de leurs droits fonciers ;
  • Une perte d’opportunités économiques, car l’insécurité foncière décourage les investissements à long terme dans des industries durables ;
  • De l’insécurité alimentaire, car la fuite de nombreux(ses) Sud-Soudanais(es) hors des zones rurales à cause des violences liées à la terre réduit la production agricole ; et
  • Une plus grande vulnérabilité aux changements climatiques, car la déforestation, les inondations et les sécheresses ont tendance à s’aggraver du fait de la faiblesse de la gouvernance foncière.

Il est impératif de mettre en place une politique foncière intégrale et inclusive pour affronter l’ensemble de ces défis et pour garantir un accès équitable à la terre, en particulier face à l’urgence de la menace climatique. La sécurité des droits fonciers est un élément vital pour renforcer la résilience climatique du pays. Mais après deux décennies de blocage, le Soudan du Sud ne peut plus attendre.

Cabanons à Juba, Capitale du Soudan du Sud, en 2010.

Une politique empêtrée dans le flou

La longue paralysie de la Politique foncière nationale du Soudan du Sud (PFN, ou SSNLP pour son sigle en anglais), due au manque d’engagement et de volonté politique, a démarré dès les consultations lancées en 2006. Reconnaissant la nécessité urgente d’une réforme foncière, le Nouvel Accord de Paix signé en 2018 prescrivait en son article 4.8.2.1.1 l’élaboration rapide et la mise en œuvre opportune d’une politique foncière intégrale permettant de corriger les inégalités d’accès aux terres et les malversations foncières.

Malgré ce mandat, la PFN demeure bloquée, perpétuant les difficultés foncières qui gangrènent le Soudan du Sud depuis des décennies.

En 2023, cinq ans après l’émission de ce mandat, le ministère de Affaires foncières, du logement et du développement urbain a mené plusieurs réunions consultatives avec différentes parties prenantes, ouvrant enfin la voie à l’approbation de la PFN par le Conseil des Ministres au mois d’octobre.

Plus tard, en 2024, après de nouvelles consultations et l’émergence d’un consensus entre les législateurs et les autres parties prenantes pour l’approbation d’une PFN inclusive, le projet de loi a été présenté pour étude au Comité permanent des terres et infrastructures physiques de l’Assemblée nationale législative de transition (TNLA). En novembre, la PFN devait être débattue et adoptée, mais cela a été reporté à deux reprises.

Ce manque répété de volonté et l’inaction des politiques nourrissent les troubles sociaux et la stagnation économique. Plus le Soudan du Sud reste dépourvu d’une politique foncière intégrale, plus il y a de risque d’aggraver les inégalités et d’assister à une escalade des conflits.

Une femme portant une charge sur la tête au Soudan du Sud.

Un moment critique pour agir

Avril 2025 marque la reprise de la session législative de la TNLA et, avec elle, une nouvelle lueur d’espoir pour la PFN et la perspective pour le peuple du Soudan du Sud de re-signifier la terre en tant que bien commun, en tant que symbole d’unité nationale, de paix et de prospérité pour toutes et tous, sans discrimination.

Cette fenêtre d’opportunité, certes étroite mais décisive, a poussé la société civile et les communautés locales à se rassembler autour de la campagne #LandForSouthSudan, pour exiger des législateurs qu’ils agissent immédiatement et veillent à ce que la PFN soit adoptée sans plus attendre. Rejoignez-nous pour demander à l’Assemblée nationale législative de transition :

  1. D’accélérer les délibérations : Accélérer le processus législatif et approuver la PFN pour éviter de nouvelles instabilités.
  2. D’affecter des ressources à la mise en œuvre : Assurer un soutien financier et technique approprié pour une mise en œuvre efficace de ladite politique.
  3. De renforcer l’inclusion et l’équité : Respecter les normes internationales qui garantissent les droits des peuples autochtones, des communautés locales, des femmes et de la jeunesse.

Votre voix compte ! Signez notre lettre ouverte exhortant la TNLA à adopter la PFN lorsqu’elle reprendra ses travaux en avril. Votre soutien aidera à faire pression sur les décideur(e)s pour qu’ils et elles agissent et défendent les droits fonciers des peuples autochtones et des communautés locales.

Signez ici : https://forms.gle/8frDmMwy5YU83Lxo9 

C’est une occasion historique pour assurer la justice foncière, la bonne gouvernance et la résilience climatique au Soudan du Sud. Unissons-nous et exigeons #LandForSouthSudan et #NLPNow.


À propos de l’auteur : Wodcan Saviour Lazarus est le Secrétaire général de l’Alliance pour les terres du Soudan du Sud (SSuLA). La SSuLA est un réseau de 50 organisations de la société civile et d’organisations communautaires réparties dans 10 états et trois régions administratives du Sud-Soudan, qui promeut l’égalité d’accès aux droits fonciers pour tous.

 

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